J'irai revoir ma Normandie !

(Nivelles, 1994)

Ce matin de juin là, mue par un besoin subit de pèlerinage, j'abandonnai mes chers pénates pour me rendre à la plage. D'ordinaire, je ne m'y hasardais qu'à la morte-saison : le raffut des mouflets, les cerfs-volants vermillon et leurs sempiternels zigzags, l'écœurant effluve que dégagent les gaufres et les pans-bagnats, très peu pour moi ! Au reste, j'avais passé l'âge de jouer les dugazons : depuis belle lurette, les délices éhontées de la drague et de la bronzette avaient fait place au plaisir sage, fût-il vieux jeu, de la balade en solitaire, mon grœnendael pour tout confident ! Ce matin-là, pourtant, l'éphéméride, y allant de sa larme de papier, s'était empressée de détruire mes a priori. L'atmosphère était alourdie de quelque chose d'ineffable, que jamais je n'avais ressenti jusque-là, et qui, au dire du poète, blessait mon cœur d'une langueur monotone...

C'est que cinquante ans plus tôt, jour pour jour, une tout autre partie se disputait à quelques lieues d'ici. Arrivant qui de l'Oregon, qui du Minnesota, qui du Massachusetts (car la lumière, en l'occurrence, est venue des allogènes), d'autres enfants donnaient l'assaut à des châteaux forts new-look, rebaptisés casemates ou blockhaus. Au large, alors, aucune de ces chatoyantes planches à voile mais, profitant d'une quasi-bonace, une armada de destroyers et de dreadnoughts, dont le sillage traçait l'histoire. Au lieu de ces sternes si fières, de ce goéland inoffensif, des oiseaux de mauvais augure tachaient le ciel, lâchant de temps à autre un guano meurtrier. Sur cette grève, enfin, loin de ces échauffourées pour rire, d'homicides corps à corps où se brisaient inlassablement, comme hier Sisyphe, quantité d'infortunés qui rêveraient longtemps encore de pommiers en fleur...

Et je me surpris tout à coup à prier, moi l'athée, pour que jamais ce sable ne redevînt arène.

 

TEST

S'étaient donné rendez-vous, pour cette commémoration, moult officiers et sous-offs : du margis au général d'armée, en passant par l'adjudant-chef et l'aspi, que de chefs de bataillon, de chefs d'armées, voire de généraux en chef ! De quoi impressionner pioupious et troufions, lesquels, en revanche, n'étaient pas légion...