Balance ton portable !

(Mons-en-Barœul, 2018)

Effervescence à prévoir, et ce dès septembre, au sein de notre Éducation nationale... Cette fois, il ne s'agit plus de bouleverser les rythmes scolaires, de revoir les exigences à la baisse, de substituer à des notions désuètes — voire vieillottes — un prédicat flambant neuf, ni même de renvoyer les langues grecque et latine à leurs chères études. Tout au plus de bannir du champ clos de l'école un téléphone réputé tellement intelligent qu'il eût fini, si l'on n'y avait pris garde en haut lieu, par faire de l'ombre à son possesseur. Sus, donc, au portable ! À quoi bon avoir, en son temps, coupé le cordon si c'est pour s'embarrasser ensuite d'un autre fil à la patte, celui-ci fût-il plus symbolique que réel ?

C'est que ledit gadget aura tout fait, sur place, pour mériter l'infamant statut de persona non grata : métamorphoser des cours de récréation où, jusque-là, on s'égaillait et s'ébaudissait en aires moroses qui voient, dorénavant, chacun pianoter dans son coin ; mettre en échec, d'une vibration mate ou d'une tonitruante sonnerie, une plaidoirie ex cathedra dont la clarté des prémisses promettait pourtant beaucoup ; éparpiller façon puzzle la déjà chiche attention que le cancre avait accepté d'accorder, ce jour-là, à l'algèbre honnie ; transformer le moindre examen blanc en scène de crime, le bidule n'ayant pas son pareil pour servir d'obligeante antisèche à quiconque le programme de façon adéquate.

Dieu merci, il serait malséant de lui donner céans la chasse ! Non que les membres de cet illustre aréopage n'aient la gagne empreinte au plus profond de leurs gènes : elle fait partie de leur caryotype. Mais si, en pragmatiques-nés, ils ont nolens volens accueilli et inclus dans leur protocole d'entraînement les abasourdissantes performances du numérique, au grand jamais ils ne s'en remettraient, pour rafler la mise, à une machine, quelque élaborée qu'elle se révélât. Leur portable à eux, c'est le dictionnaire : faute de l'avoir en poche, ils se font fort de l'avoir dans la tête... D'ailleurs, et sans vouloir voir le mâle partout, c'est tout bénéf pour leurs bourses : les ondes ont si vite fait de nous prendre à partie !

 

TEST

Écrivez sans vous tromper ces noms communs qui commencent comme portable :

- portemine, portugaise, portefeuille, porc-épic, portoricain (fin pour les juniors) ;

- portefaix, porphyre, porridge, porte-drapeau, portfolio (fin pour les adultes amateurs) ;

portulan, portelone, portune, porte-à-porte, porophore (fin pour les adultes professionnels).