La possibilité d'un « il »

(Plouay, 2018)

à Anne-Marie Thépaut,
qui aurait tant aimé partager le stress de cette dictée...

Se parler à soi-même en recourant à la troisième personne permettrait à chacun de nous, sinon de terrasser son stress, du moins de le canaliser. C'est en tout cas l'affriolante hypothèse qu'auraient échafaudée des psys yankees de l'État du Michigan : les tracés de l'encéphalogramme prouvent que l'usage du « il » (ou du « elle », écriture inclusive oblige) a de moindres répercussions sur la zone du cortex préfrontal, censée être celle des émotions négatives. Nul besoin, au demeurant, de connaître l'hippocampe et l'hypothalamus dans leurs recoins les plus intimes pour supputer que tout ce qui peut mettre un tant soit peu de distance entre le sujet et ce qui l'agresse est pain bénit pour ses chakras...

À cette aune, il ne fait aucun doute qu'au palmarès des stressés célèbres Jules César et Alain Delon ne se classent bons derniers. Le premier ne se bornait pas à jacter in petto contre les aléas, il se la pétait grave en confiant au palimpseste des Commentaires dégouttants d'une autosatisfaction, d'une suffisance, d'un orgueil qui rendrait rubiconds les moins modestes ! Quant au second — qui, c'est tout sauf un hasard, a tenu le rôle dudit premier dans un dispensable « Astérix aux jeux Olympiques » —, il cache son je, le jugeant indigne de son ego et, pour tout dire, incompatible avec la place éminente qu'il a de tout temps cru devoir se réserver dans l'opulent empyrée du septième art.

Cela dit, tant qu'il ne faut pas écrire... Car les jusqu'au-boutistes de la langue qui s'attaquent crânement à l'Everest que représente cette troisième partie le savent : se dire quoi, pour baragouiner comme un chti, n'est pas moins anxiogène que de rester coi ! Qu'il siée, dans un élan cathartique, de conjurer par des mots l'angoisse qui nous oppresse, soit ! Mais s'il fallait en sus les coucher sur le papier, mieux vaudrait ne pas se montrer tatillon sur la forme. Excepté les prénommés, qui, fût-ce en l'honneur du grand Coué, griffonnerait sans trembloter « il se refuse à l'ire », « il sursoit au pétage de câble », « il vainc son naturel soupe au lait » ? Gare à ne pas aggraver les choses d'une tachycardie paroxystique !

 

TEST

Écrivez ces noms communs qui se terminent tous par le son « il » :

- bacille, imbécile, ptérodactyle, idylle, chlorophylle (fin pour les juniors) ;

- vinyle, sébile, sibylle, vaudeville, codicille (fin pour les adultes amateurs) ;

- zoïle, verticille, myroxyle, myriophylle, pompile (fin pour les adultes professionnels).