Dicos d'or, dernière !

Point final pour la dictée de Pivot

Finale régionale 2004
(Opéra national de Montpellier)
dimanche 24 octobre 2004

Gageons qu'en apprenant la nouvelle les pets-de-nonne la prendront pour du vent. C'en serait fini de la dictée ? Allons donc ! Il n'en faudrait pas plus pour faire bouillir le coquemar et coller la chair de poule au sot-l'y-laisse... Que deviendraient d'ailleurs tous ces mots un tantinet désuets que, prisonniers des modes linguistiques, nos dictionnaires ne sont que trop prompts à escamoter, et que Bernard Pivot savait ressusciter comme personne ?

Las ! la cancoillotte dût-elle fondre un peu plus et l'écritoire vernissée se faire un sang d'encre — un cent d'encres ? —, c'est là la stricte vérité, que le tout frais académicien Goncourt a reconnue jeudi à Montpellier : l'édition 2004 sera la dernière. Point final. Nous n'irons plus à la ligne, les lauriers orthographiques sont coupés.

Exit Mérimée

Ironie du sort : c'est au moment où des voix s'élèvent, de plus en plus nombreuses, pour réclamer son retour en grâce à l'école que la dictée s'apprête à déserter nos écrans ! Mais on sait l'ex-examinateur d'Apostrophes coutumier de ces départs en pleine gloire. Nul doute qu'il ne se retire, cette fois encore, avec la satisfaction du devoir accompli. Qui donc aurait osé parier, il y a vingt ans, sur un tel succès populaire ? La dictée de Pivot, qui a, et vraisemblablement pour longtemps, supplanté dans les cœurs celle de Mérimée, ne s'est pas contentée de parader sur tous les tapis rouges de l'Hexagone, voire de la planète (ah ! cette grand-messe de la francophonie à l'ONU !), elle a aussi réconcilié les Français avec une orthographe dont ils n'avaient pourtant pas conservé que de riants souvenirs.

Le mérite, évidemment, n'en revient pas au seul maître de cérémonie. Partenaire de la première heure, au même titre qu'un magazine Lire et une maison Larousse visiblement marris de devoir tourner la page, le Crédit Agricole aura beaucoup donné... et prouvé par là même qu'une culture pouvait en cacher une autre ! Surtout, il aura joué, en étroite collaboration avec les inspections académiques, les premiers rôles dans l'organisation de la filière scolaire, laquelle rassemblait chaque année la bagatelle de cinq cent mille écoliers et collégiens...

Même bénéfice, en termes d'image, pour les chaînes publiques, Antenne 2 hier, France 3 aujourd'hui. À une époque où, de plus en plus, les étranges lucarnes se font tiroirs-caisses, il est tout à leur honneur d'avoir su préserver, dans cet océan de télé-réalité, quelques îlots de savoir désintéressé. On gagne chez Pivot infiniment moins que chez Arthur ; il n'est pas sûr que l'on s'y enrichisse moins.

2005 : l'apothéose ?

Au demeurant, il serait prématuré de sortir les mouchoirs : le rideau n'est pas, pour l'heure, totalement retombé. D'aucuns, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, se surprennent à rêver, pour l'automne 2005, d'une ultime « superfinale », qui mettrait aux prises les champions des vingt dernières années. De façon moins aléatoire, France 3 aura, le 27 novembre, l'occasion de démontrer une nouvelle fois son savoir-faire en coordonnant les douze finales régionales — parmi lesquelles celle, prévue au Colisée de Roubaix, qui concerne les candidats du Nord-Pas-de-Calais. Quant à la finale nationale de cette édition 2004, elle aura lieu le 22 janvier prochain, sur les gradins de l'académie Fratellini. Pouvait-on imaginer décor plus approprié à un dernier... tour de piste ?