En marge du tour du monde à la voile...

Les globe-trotte(u)rs de l'orthographe

Finale régionale 2000
(Les Atlantes, Les Sables-d'Olonne)
dimanche 5 novembre 2000

C'est à l'hôtel Mercure, à Arras, que le Crédit Agricole avait cette année donné rendez-vous aux finalistes régionaux des Dicos d'or. Mais se trouvait-il un concurrent du Nord-Pas-de-Calais, un seul, pour se dissimuler que le dieu du jour avait toutes les chances de s'appeler bien plutôt Neptune ? Départ du Vendée Globe oblige, Bernard Pivot et son quartier-maître Florence Klein avaient élu domicile aux Sables-d'Olonne, et point n'était besoin d'être expert ès vaches folles pour deviner que sur cette côte-là aussi, il y aurait vraisemblablement un os ! C'était à se demander lesquels, des monocoques piaffant sur la ligne de départ ou des candidats inquiets à l'idée de rester en rade, mouilleraient le plus... Il faut dire que l'animateur de Bouillon de culture, dont le pull à col roulé était de toute évidence annonciateur de gros temps, ne fut pas long à afficher ses intentions : il lui suffit d'une lecture pour convaincre les concurrents qu'ils étaient mal barrés et leur donner une irrépressible envie de mettre les voiles ! Non que le texte, que l'on devait ici à la linguiste Line Sommant, comportât de ces fameux pièges à la godille qui ont tant fait pour la réputation du skipper (pour une fois qu'ils eussent été de saison !) ; mais les rhodophycées et le phytoplancton eurent rapidement convaincu que, biscuit de survie ou pas, cette dictée-là serait tout sauf du gâteau. Pivot, certes, n'avait pas poussé la plaisanterie jusqu'à se munir, comme naguère, d'un... cent d'ancres mais celles, surjalées, qui étaient proposées à la sagacité des cadets et des juniors promettaient déjà d'en larguer beaucoup ! Les harengs pacqués n'étaient pas davantage faits pour emballer et les clovisses, fussent-elles charnues, avaient un air pas franc... Quant aux vraquiers et aux thoniers, ils étaient là pour prouver, s'il en était encore besoin, qu'un sujet bateau n'empêchait pas toujours de couler ! Jusqu'à la baleine, avec ses fanons, qui laissait entrevoir aux candidats les pires pépins... Il fallut pourtant se jeter à l'eau et... ramer, à l'instar de ces académiciens qui — on se console comme on peut — paraissaient eux aussi à la dérive. Le passionné d'orthographe n'est-il pas, à sa façon, un naufragé volontaire, accoutumé à écoper, comme à tomber de Charybde en Scylla ? Ne lui faut-il pas naviguer, à vue parmi les écueils, sans cette boussole rassurante que constitue le dictionnaire ? N'est-il pas amené à baliser, lui aussi, à ce moment de vérité entre tous où le corrigé lui est enfin distribué ? Au silence radio qui s'abattit alors sur la salle arrageoise, on put se rendre compte, ce samedi, que le marchand des Sables était bien passé !