Ça se passe comme ça, chez Pivot...
Du pain (cramique) et des jeux
mardi 7 octobre 1997
On le savait ficelle et un brin porté sur l'art culinaire, le Lyonnais Pivot. On savait aussi que les dictées de compétition, depuis le dîner à Sainte-Adresse d'un certain Mérimée, nourrissaient un coupable penchant pour les plaisirs de la table. Mais de là à imaginer que les deux cent soixante-neuf candidats de la filière scolaire réunis par le Crédit Agricole se verraient convier à un tel festin, ce 27 septembre à Lille Grand Palais ! On ne fera certes pas un fromage de ce vieux-lille : le trait d'union se sent, comme le reste d'ailleurs. Ni même un plat de la flamiche : il eût fallu autre chose que du poireau pour impressionner nos hercules de l'orthographe, qui se gardèrent bien de l'écrire comme flammèche. On ne fera pas davantage une salade de ces chicons, lesquels, débarrassés de la sauce ravigote (un seul t !) qui fit les beaux jours de la finale 1985, paraissaient soudain moins gratinés. La cassonade et son n unique, c'était déjà, si l'on ose dire, plus raffiné. Il est vrai que ces concurrents-là n'étaient pas en sucre ! Les sprats, aussi, en ont décontenancé plus d'un, et beaucoup avouèrent n'avoir eu, compte tenu des multiples graphies possibles, que l'embarras d'anchois... Mais que penser de ce cramique, que Pivot, sur la seule foi de ses dictionnaires, supposait connu du Nord entier ? Pas dans cette tranche d'âge, en tout cas. Quand on saurait depuis longtemps que la préparation aux Dicos d'or contraint les apprentis champions à être au four et au moulin, à ce pain au lait et au beurre garni de raisins de Corinthe on ne s'attendait mie ! Gageons, comme le laissa du reste entendre à l'antenne Michèle Balembois-Beauchemin, Dico d'or 1993, que nos gastronomes en herbe eussent éprouvé moins de difficulté à écrire hamburger et ketchup, plats de résistance d'un troisième paragraphe qui ne put malheureusement leur être dicté, faute de temps. Bref, tout fout le camp. N'était-ce pas là, tout bien pesé, le principal message que, par-delà l'orthographe, venait nous délivrer un Bernard Pivot soucieux de ne pas perdre le Nord ? Et cette leçon-là valait bien un vieux-lille, sans doute...