À la fortune du mot

< mardi 12 mars 1996 >
Vocabulaire

Évidemment, il n'y a pas que l'euphémisme : de même que M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous usons chaque jour, le plus souvent inconsciemment, de figures de rhétorique aux noms compliqués : jugez-en plutôt !

L'antonomase. Vous y recourez chaque fois qu'à un nom commun vous substituez un nom propre. Et la chose n'est pas rare : pour s'en tenir au seul Molière, le don juan n'a-t-il pas pris le pas sur le séducteur, le tartuf(f)e sur l'hypocrite, voire l'harpagon sur l'avare ? À noter que, dans ce cas, et même lorsqu'il conserve sa majuscule, le nom propre peut prendre la marque du pluriel : Paris ne manque pas de Rastignacs.

La litote. Cousine germaine de l'euphémisme, elle était la préférée de nos classiques. Qui ne se souvient du « Va, je ne te hais point » de l'amoureuse Chimène ? Mais cette figure qui consiste à dire peu pour suggérer davantage n'a pas disparu avec le Grand Siècle, il s'en faut de beaucoup : en témoigne notre peu reluisant — mais si répandu — c'est pas dégueulasse !

La métonymie. Dès lors que vous avouez avoir bu un verre (et pour peu qu'en l'occurrence vous fassiez allusion, des plus logiquement, au contenu plutôt qu'au contenant !), vous y avez recours. Il en va de même quand vous désignez un livre par son auteur (Je dévore un Jules Verne), un musicien par son instrument (Le premier violon a été acclamé ), un chef d'État par sa résidence (L'Élysée a aussitôt démenti). Si c'est un tout que l'on remplace par une de ses parties (Une voile à l'horizon !), on parlera plutôt de synecdoque...