L'amour au service de la pédagogie :
l'accord du participe passé
Émouvante, l’histoire de ce vétéran du jour J venu convoler en justes noces à la mairie de Carentan (ça ne s’invente pas !) alors que sa promise et lui-même en comptaient quasiment deux cents à eux deux.
Moins sexy, la façon dont la quasi-totalité de la presse nationale a rendu compte de l’événement, d’un titre qui ne brillait pas plus par l’orthographe que par l’originalité : ILS SE SONT DITS OUI ! Ladite presse a dû se souvenir de ce jour où l’école lui a appris que le participe passé s’accorde quand il est conjugué avec l’auxiliaire être, mais oublier le jour d’après, où il lui fut précisé que la règle ne valait pas à tout coup pour les verbes pronominaux. Ceux-là se comportant en réalité comme si l’auxiliaire était avoir, l’accord du participe ne se fait avec le pronom qui précède que quand celui-ci fait fonction de COD : or, en l’espèce, ils ont dit quoi ? le oui… qui suit ! ILS SE SONT DIT OUI eût donc été autrement conforme à la syntaxe. Pas question d’accorder quand le pronom qui précède n’est que complément d’objet indirect (ils ont dit oui à eux, l’un à l’autre), encore moins quand il n’y a pas de complément d’objet direct dans le secteur.
Donc, et pour parer à toute éventualité à venir : ils se sont aperçus, ils se sont rencontrés, ils se sont revus, ils se sont appréciés, ils se sont bécotés, ils se sont embrassés, ils se sont étreints, ils se sont connus bibliquement, ils se sont aimés, ils se sont fiancés, mariés, pacsés, unis.
Mais : ils se sont lancé des œillades, ils se sont fixé rendez-vous, ils se sont parlé, ils se sont souri, ils se sont plu, ils se sont donné la main, ils se sont confié des secrets, ils se sont conté fleurette, ils se sont murmuré des douceurs, ils se sont raconté des histoires dans le creux de l’oreille, ils se sont fait des mamours, ils se sont déclaré leur foi, ils se sont juré fidélité et finalement ils se sont passé la bague au doigt.
Bref : ils se sont roulé des pelles, puis ils se sont roulés dans la mousse. Voilà ! On espère avoir ratissé suffisamment large pour subvenir à toutes les oaristys à venir, qu’elles fussent « made in Normandy » ou ailleurs. Sinon, il ne reste plus qu’à céder aux sirènes racoleuses de la réforme et à oublier l’exception du lendemain pour se souvenir de la seule règle de la veille. Tellement plus simple, nous direz-vous, mais tellement moins romantique en même temps… Vous ne trouvez pas ?