Face aux « peine-à-jouir »
d'Anne Hidalgo,
la presse impuissante !
Loin de nous l’idée de jouer les pères la pudeur en reprochant à la maire de Paris de s’être fâchée la semaine dernière, et en termes peu choisis, contre le scepticisme ambiant qui lui paraît entourer « ses » Jeux.
Certes, elle aurait pu convoquer pour la circonstance ronchons et scrogneugneux, tout aussi évocateurs mais plus présentables. Du moins a-t-on échappé aux casse-couilles et surtout aux chafouins, ces derniers ne pouvant nous sauver de la vulgarité qu’au prix d’un faux-sens : est-il besoin de rappeler que le chafouin en question, en dépit de ce que l’on s’entête à lui faire dire aujourd’hui, donne plus volontiers dans la ruse sournoise que dans la mauvaise humeur matinale de l’ami Ricoré ?
Mais nos réserves, en l’occurrence, ressortiront moins à la morale indignée qu’à l’orthographe défigurée. C’est que, le peine-à-jouir (ou la peine-à-jouir, sachons rester inclusifs et respecter la parité) ne figurant ni chez Larousse ni chez Robert, il a bien fallu que les rédactions prennent leurs responsabilités dans l’urgence. Et c’est ainsi que l’on a vu fleurir, du Figaro au site Atlantico, de Marianne au Point, d’Ouest-France au Bien public en passant par notre journal préféré, des « peines-à-jouir » peu compatibles avec la règle du pluriel des noms composés.
Si la réforme de 1990 a tout fait pour que l’usager n’ait plus à se casser la nénette outre mesure dans ce domaine, prônant la soudure chaque fois que c’est possible, ou encore décrétant que le « s » serait systématiquement encouragé au pluriel mais exclu au singulier (bonjour les gratte-ciels et les abats-jours, le tire-fesse et le porte-avion, voire le casse-couille susdit !), elle n’a pas jusqu’ici osé franchir le Rubicon que constitue l’invariabilité des formes verbales.
Il eût donc suffi de réfléchir un instant (plutôt que de s’en remettre à une AFP faillible en la matière) pour comprendre que l’élément peine n’était pas ici le nom commun habilité à prendre la marque du pluriel mais le verbe : on parle de personnes qui… peinent à jouir. Et comme il ne saurait être question de conjuguer un verbe dans le cadre d’un nom composé, l’invariabilité n’aurait pas dû faire débat.
Quoi qu’il en soit, il y a gros à parier que peine-à-jouir fera son entrée en grande pompe dans les Petit Larousse et Petit Robert 2026. Histoire de faire oublier que le Wiktionnaire, le « dictionnaire libre » de la Toile, affiche le mot en question (et son invariabilité) depuis plus de dix ans ?