« Plus mauvais » :
la preuve que le pire
n'est pas toujours sûr !

< dimanche 5 mai 2024 >
Chronique

Agacé, ce lecteur, par l’utilisation de « plus mauvais » dans son journal favori quand une règle apprise sur les bancs de l’école nous ferait obligation, selon lui, de recourir à « pire » ! Un point de vue à nuancer, pour le moins…

Que plus bon ait été ostracisé par l’usage au profit de meilleur n’est pas sujet à débat. On se bornera à rappeler, pour la forme, et à la suite de Maurice Grevisse, que l’interdit souffre quelques exceptions notables : entre autres exemples, quand bon et plus sont séparés (Jean Guitton constatait à propos de Montaigne que « plus les Essais avancent, plus ils sont bons ») ou quand la comparaison se fait avec un autre adjectif (« il est plus bon que juste »).

Sans que l’on puisse expliquer pourquoi, il en va tout autrement de plus mauvais, que le même Grevisse trouve « plus courant que pire ». Ce dernier ne s’impose vraiment que devant un nom négatif (fléau, détresse, chagrin), le recours à plus mauvais dans ce contexte débouchant inévitablement sur une redondance. Mais, pour le reste, rien que de très correct à user de ce dernier tour ! Le choix qui nous est laissé, loin de créer de l’embarras, nous permettrait même d’affiner le propos. À pire le moral, l’abstrait, quand plus mauvais ferait plutôt dans le matériel : le pire des apéritifs sera le plus nuisible à la santé ; le plus mauvais, celui que l’on déteste se voir servir, pour n’en pas aimer le goût.

Qui ne verrait encore que « De tous ses détracteurs, c’est le pire » n’est pas loin de signifier l’exact contraire de « De tous ses détracteurs, c’est le plus mauvais » ? Dans le premier cas, c’est celui qui nous fait le plus de tort parce qu’il frappe juste, là où ça fait mal. Dans le second, c’est le moins habile et le moins efficace : il nous rendrait presque service, ses attaques ne faisant pas mouche tant elles sont maladroites !

Jugez par là de la finesse de notre langue et des multiples possibilités qu’elle nous offre, parfois même à notre insu… Étant bien entendu que cette liberté qui nous est laissée reste la plupart du temps conditionnelle : pas question, en effet, de se permettre des plus pires ou des moins pires ! Ces tours-là (de pures horreurs syntaxiques !) sont indéniablement et inutilement pléonastiques, puisque la connotation superlative y est exprimée deux fois plutôt qu’une. Et, en matière de style, chacun sait qu’abondance de biens nuit presque toujours…