Sachons bien que,
pour rendre des hommages,
on n'en est pas plus homme !

< dimanche 18 février 2024 >
Chronique

Là où Jacques Chirac s’était montré chiche (deux hommages nationaux en douze ans de règne), Emmanuel Macron aura battu tous les records : il en est au vingt-quatrième. Série en cours, ajouteraient les sportifs…

« À moins, écrit joliment notre confrère Le Figaro, que le hasard ait voulu qu’un grand nombre d’éminentes personnalités françaises aient rendu l’âme sous son mandat », voilà qui en dit long sur son goût pour l’exercice et sa propension au dithyrambe dans un cadre solennel et choisi, qu’il s’agisse des Invalides, de la cour carrée du Louvre ou, tout récemment, de la place Vendôme. Sans doute y voit-il un moyen de restaurer cette unité nationale qu’il sait et dit régulièrement en grand danger.

L’occasion pour le chroniqueur de langue de réfléchir, sinon à la pratique — laquelle, plus que le reste en tout cas, semble recueillir un large consensus —, du moins au mot qui la désigne. Celui-ci n’a pas toujours fait l’unanimité, il s’en faut. Il y a quelque cinq ans, on avait même proposé de lui substituer « femmage », son étymologie étant prétendument impropre à célébrer les mérites d’une cinéaste féministe comme Agnès Varda ! Un activisme terminologique qui n’est pas sans rappeler les foudres que s’étaient naguère attirées parrainage et patrimoine, aux stigmates mâles un peu trop visibles pour ne point se voir quelquefois préférer marrainage et matrimoine…

Un regard un peu plus objectif sur ladite étymologie eût pourtant suffi à établir qu’il n’y avait pas là de quoi fouetter… son chien, sous prétexte qu’il aurait la rage. Certes, le mot en question a bien pris homme pour patron, mais à aucun moment ce dernier n’a désigné la personne à qui l’on rendait hommage : cet homme-là n’était, à l’époque féodale, que le vassal qui se déclarait l’homme (lige) de son seigneur et suzerain. Moins de rodomontades du sexe fort là-dedans, à l’évidence, que de soumission, de fidélité et d’humilité…

Ironie du sort et de l’évolution langagière, que nous confirme d’ailleurs le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey : dans les siècles qui ont suivi, le même mot aurait surtout servi, dans le vocabulaire galant notamment, à célébrer… la femme et son immortelle beauté. Au point même (délicieux euphémisme !) d’avoir des rapports sexuels avec l’intéressée, c’est dire si le mot n’est pas le pire que l’on ait pu trouver pour évoquer la chose.