Unité, Égalité, Fraternité :
la nouvelle devise
de notre République ?
Ça y est, le port de l’uniforme va être testé dans nos écoles ! Serait-ce le signe que l’unité, qui phagocyte le discours macronien, prend peu à peu le pas sur la liberté ? Réponse (dépassionnée) de l’étymologie…
Longtemps (près de trois siècles et demi !) avant de devenir substantif, uniforme a été un adjectif. Dans un sens plus restreint qu’aujourd’hui. Il n’était en rien question, à l’origine — entendez au XIVe siècle, sous l’influence encore prégnante du latin uniformis, « d’une seule forme » —, de s’aligner sur autrui. Un « mouvement uniforme », explique Alain Rey, se disait par exemple d’un corps qui parcourait des distances égales dans des temps égaux.
Il aura fallu une centaine d’années pour que s’insinue le poison de la comparaison, et avec lui une connotation nettement plus péjorative. Devenait uniforme ce qui se ressemblait, et par là ne se distinguait pas de l’entourage. Aussi bien, le ver était depuis longtemps dans le fruit, puisqu’un paysage uniforme n’aura jamais que son homogénéité à opposer à cette variété si prisée dans nos sociétés de l’ondoyant et du divers. Mais la méfiance s’installait, et elle ne pouvait que croître sous l’égide de l’individualisme triomphant…
L’avènement du substantif, au début du XVIIIe siècle, allait quelque peu rebattre les cartes. Non seulement il s’affranchit rapidement de la concurrence grammaticale de l’adjectif (l’habit uniforme ne résista que quelques décennies avant de déserter l’usage), mais il trouva bientôt à noyer les arrière-pensées dépréciatives dans ce qu’il est convenu d’appeler le « prestige de l’uniforme ». C’est sans doute que, s’il s’agissait toujours d’habiller de la même façon les hommes d’une même unité (souvent militaire), cela permettait surtout à ceux-ci de se démarquer de quiconque n’en faisait pas partie. Le « en même temps » dans toute sa splendeur !
En tout cas, l’acception « concordant, unanime », que le Dictionnaire historique de la langue française date du XVIIe siècle, est à remiser au rayon des lointains souvenirs. Il serait en effet étonnant que la mesure fît consensus dans un monde autrement prompt à cultiver sa différence qu’à approfondir sa communion : on ne prêche plus actuellement que par la diversité et la nostalgie du « black, blanc, beur ». D’aucuns rappelleront pourtant que cela n’empêcha pas les footballeurs de 1998 de porter le même maillot, et que c’est sur lui que l’on a cousu l’étoile…