Dans nos dictionnaires,
le champagne
n'a pas toujours été à la fête !
Qui l’eût cru ? Avant de devenir l’irremplaçable compagnon de nos succès en tout genre, le champagne n’a pas toujours eu la cote, il s’en faut de beaucoup. Disons même qu’il lui est arrivé de se faire… sabrer !
Le sommelier du verbe qu’est Jean Pruvost le souligne dans son récent et gouleyant Dictionnaire du vin, de la bière et du champagne, mis en bouteilles aux bien nommées éditions Honoré Champion : pour ce dernier, la gloire lexicographique se sera fait attendre, et pas qu’un peu ! Ce n’est qu’au XIXe siècle, pas avant, qu’il devait conquérir ses lettres de noblesse.
Jusqu'alors, ledit champagne avait souffert d’une réputation pour le moins douteuse, bien éloignée en tout cas du prestige qui l’auréole aujourd’hui. Il ne fut en effet, à l’origine, qu’un valet, un laquais. On désignait de la sorte l’un de ces jeunes émigrants venus d’une champagne sans majuscule, laquelle renvoyait à n’importe quelle « étendue de terre cultivée, ouverte et plate ». Ceux-là servaient au mieux de « trottins » et de « galopins », au sens premier de ces termes puisque voués aux… courses subalternes. C’est dire s’ils faisaient souvent office de souffre-douleur, dont on prenait un malin plaisir à railler le peu de malice. Quant à leur hygiène, des plus relatives, elle ne relevait ni plus ni moins que du proverbe : « avoir la propreté du petit Champagne » revenait à dire que l’on était… sale comme un peigne !
Fort heureusement, cette antiphrase, particulièrement vivace dans un parler populaire prompt à manier l’ironie cruelle, allait rapidement s’effacer devant une autre figure de style, à savoir la métonymie. Le champagne ne serait bientôt plus que le « vin de Champagne », cette dernière étant devenue entre-temps une « terre au sol riche sur une structure calcaire portant de bons vignobles, telle la province de Champagne ». Faites péter les bulles, il n'y aura plus rien à voir, encore moins à redire.
Depuis lors, ce ne sont plus que dithyrambes : du breuvage que Churchill comme Napoléon jugeaient « nécessaire en temps de défaite, mais obligatoire en temps de victoire » à la « pluie d’étoiles à l’envers » qu’apercevait la Queen Mum dans la moindre coupe, en passant par la béatification de Dom Pérignon réclamée à flûte et à cri par Pivot, le champagne n’a plus quitté les sommets. Il le confirme dans ce dictionnaire culturel et anecdotique, à consommer pour une fois sans modération aucune !
Dictionnaire du vin, de la bière et du champagne, par Jean Pruvost (éd. Honoré Champion) ; 688 pages 15 x 21 cm ; 28 €