Rester connecté, c'est bien...
mais point trop n'en faut !

< dimanche 23 avril 2023 >
Chronique

Chacun comprendra aisément qu'à une époque comme la nôtre, où l'on ne prêche plus guère que par l'informatique et le digital, les mots connexion et déconnexion soient plus que jamais sur toutes les lèvres.

Pour autant, on ne s'attendait pas forcément à lire, dans un trimestriel qui entend réconcilier les Français avec leur culture générale, une phrase telle que celle-ci : « Les efforts sont visibles dès l'arrivée en gare, via un TGV qui connecte Angoulême à Paris en deux heures et à Bordeaux en trente minutes. » Ne se contentait-on pas, naguère, de relier la capitale à la province ? Gageons même qu'il s'en trouvera plus d'un pour juger que c'était là plus court et plus simple ! Mais le court et le simple ont-ils encore un avenir dans une société qui entend avant tout faire branché et… connecté, précisément ? S'agissant ici d'une ville qui, non contente d'être devenue la place forte internationale de la bande dessinée, ambitionne désormais de devenir une nouvelle « Silicon Valley », tout entière tournée vers l'image dans ses multiples déclinaisons, le choix du vocable est vite fait !

Aurait déjà pu (dû ?) nous mettre la puce à l'oreille le fait que, dans nombre d'aéroports francophones (ou supposés l'être, ces modernes tours de Babel constituant des proies faciles pour le « globish » ?), ladite connexion était en passe de détrôner nos bonnes vieilles correspondances, avec la même maestria qu'hier les Relay pour éclipser nos Relais H. Certes, nos dictionnaires font pour l'heure de la résistance, en n'ayant toujours pas reconnu à ce jour l'acception de « liaison routière, ferroviaire, ou autre » que l'anglais a faite sienne depuis belle lurette pour sa propre connection. Certes, ces faux amis ont le bon goût de ne pas s'écrire de la même façon, le français étant resté fidèle au conexio latin quand l'anglais, lui, a rapproché la graphie de son verbe to connect.

Mais si le soleil, rien qu'une fois, s'était levé sur un jour où l'orthographe avait sauvé la langue, cela se saurait ! Il suffit en effet de recenser les nombreuses « connections » et « déconnections » qui colonisent sans retenue ni vergogne colonnes de nos journaux et bandeaux de nos chaînes d'information pour douter de l'efficacité de cette digue ultime. Que pèsent, d'ailleurs, nos poussiéreux dictionnaires face à la force de frappe sans pareille du septième art et de sa légendaire et éternelle French connection ?