Surprise sur... reprise :
trois, ça va ; une, bonjour les dégâts !
Plus que toute autre, la presse sportive raffole visiblement de l'expression « à une seule reprise ». Inutile de dire qu'une fois de plus c'est cette damnée Toile qui a cafté : les exemples s'y bousculent...
On apprend ainsi, et pêle-mêle, que « Pedro Brazao n'aura porté qu'à une seule reprise les couleurs niçoises en Ligue 1 » (L'Équipe), que « la MCN (Mbappé-Cavani-Neymar, pour les profanes) n'a frappé qu'à une seule reprise face à Anderlecht » (Le Soir), et que « depuis le retour de Karim Benzema, Grizou n'a trouvé le chemin des filets qu'à une seule reprise » (Libération). À première vue, pas de quoi fouetter un chat, et gageons que les lecteurs auront été peu à s'en offusquer.
Pourtant, à y bien réfléchir, ni la logique ni la netteté ne sortent grandies d'une telle tournure. À en croire nos dictionnaires, une reprise est en effet une « réitération de ce qui a déjà été fait ». Par voie de conséquence, quand on lit que « Lille n'a pu poursuivre l'aventure en Ligue des champions qu'à une seule reprise », cela devrait signifier que le LOSC est sorti des poules par deux fois... ce qui, parions-le, n'était pas plus dans les intentions du journaliste que dans les faits !
Voilà donc un mot que l'on gagnerait à n'utiliser qu'au pluriel, qui plus est en demeurant sciemment dans le vague (à plusieurs, à différentes, à maintes reprises ne vous engagent pas à grand-chose). Quiconque voudra au contraire faire dans la précision sera bien inspiré de le mettre au rancart. Dire, par exemple, que les Brésiliens ont été champions du monde de football à cinq reprises ne permet pas à celui qui ne s'intéresse qu'occasionnellement au ballon rond de savoir si les maillots d'iceux sont frappés de cinq... ou de six étoiles, comme ce devrait être le cas si le mot était utilisé dans son sens strict ! Quant au singulier, une seule fois fera, dans sa simplicité, bien mieux l'affaire et coupera court à toute ambiguïté...
Remarquons au passage que la boxe n'a pas vraiment contribué à rendre les choses plus limpides. Alors qu'en toute logique la première reprise devrait marquer le début de ce que les Anglo-Saxons appellent le... deuxième round, le mot désigne surtout pour le noble art « chacune des parties d'un combat », y compris la première ! La preuve, s'il en était besoin, qu'une extension de sens s'effectue presque toujours au détriment de la clarté originelle du message...