Alors... mâle ou femelle,
cette cochonnerie sans nom ?

< dimanche 17 mai 2020 >
Chronique

Les lecteurs attentifs (pléonasme !) n'auront pas manqué de le remarquer : ce que l'on présente ici comme « le » covid-19 devient au Québec « la » covid-19. L'intéressé aurait-il muté en traversant l'Atlantique ?

Nos immortels du quai Conti — qui, par définition, et en dépit de leur âge à risque, n'ont point besoin de vaccin — se sont donc penchés (prudemment, siéger sous la Coupole ne met pas à l'abri des rhumatismes) sur la question. Et ont tranché en faveur du féminin. Sur des critères exclusivement linguistiques, rassurez-vous, et pas parce que la bébête s'acharne davantage (le nombre des décès en témoigne) sur le sexe présumé fort.

Le problème se pose chaque fois qu'arrive sur notre marché un vocable qui n'a pas été nourri au sein tricolore. Qui ne se souvient des selfies, sur le genre desquel(le)s on a longtemps hésité ? Rappelons que l'anglais est une langue asexuée, ce qui nous laisse, nous autres Frenchies qui tenons à ce que nos mots puissent continuer à faire l'amour, des plus démunis. Si le masculin a finalement prévalu, le féminin garde ses partisans, eu égard à la terminaison du mot, mais aussi en raison du genre de photo, que l'on a nécessairement en tête au moment de le prononcer.

Pour les sigles, rappelle l'Académie, c'est autrement simple, du moins quand on connaît leur signification : il suffit de se régler sur le genre du mot principal ! On parlera ainsi d'un OGM (organisme génétiquement modifié), mais d'une ONG (organisation non gouvernementale). Et l'on n'hésitera pas à faire du TGV (train à grande vitesse) le fleuron de la SNCF (Société nationale des chemins de fer français). Ce qui n'a jamais empêché le HLM de prendre, plus souvent qu'à son tour, le pas sur la HLM (pourtant habitation à loyer modéré). L'immeuble a dû passer par là.

Mais quand, comme ici, le noyau de l'acronyme n'a pas de sexe ? Eh bien, il faut s'en remettre au mot qui le traduit. Covid-19 étant l'acronyme de corona virus disease, c'est sur maladie, traduction de disease, qu'il sied de se fonder. L'ennui, c'est que de longues semaines se sont écoulées avant cette mise au point ; que le repère des Français fut plutôt, dans l'intervalle, le masculin virus et que, dans ce domaine, tout retard se comble difficilement.

Cela dit, il n'est pas interdit d'essayer : d'ici qu'un vaccin voie le jour, on a le temps de se faire à l'idée que l'assassin... était une femme !