Il défraie la chronique
depuis plusieurs mois :
l'« âge pivot » !

< dimanche 19 janvier 2020 >
Chronique

L'âge Pivot, c'était jusqu'ici, pour votre serviteur du moins, l'époque bénie des Dicos d'or et autres championnats de France ou du monde d'orthographe, laquelle s'étendit sur quelque vingt ans, de 1985 à 2005.

Qu'il soit permis à l'auteur de ces lignes de verser une larme sur le sort de l'ex-président de l'Académie Goncourt, qui a entendu évoquer son âge durant de longues semaines, le portât-il gaillardement : c'est qu'il n'est pas toujours facile d'avoir en propre un nom commun, surtout quand l'actualité s'en empare pour le crier sur tous les toits !

Cela dit, on a beau chasser le naturel, il revient au galop : un chroniqueur de langue ne pouvait que se demander si, dans le pedigree du mot pivot, il y avait quoi que ce soit qui pût annoncer tout ce barouf. La réponse est oui, à l'unanimité ! Il suffit pour s'en persuader d'explorer les diverses pistes, plus ou moins crédibles comme souvent, que les étymologistes ont bien voulu ouvrir à notre légendaire curiosité.

La moins contestable est sans doute celle qui mène au verbe latin pungere, lequel signifiait « piquer ». Et qui ira nier que la mesure, à peine dévoilée, aura considérablement pimenté le projet de loi, au point de faire piquer... une crise aux syndicats ?

Autre parenté fréquemment soupçonnée par nos alchimistes du verbe, fût-elle davantage sujette à caution, le rapprochement avec la pive, ce fruit des conifères bien connu de nos Savoyards et des Helvètes. Peut-être la raison pour laquelle d'aucuns ont insinué que, pour nos pensions, ça sentait décidément le sapin ?

On ne vous dit pas le plus beau, à savoir que ladite pive descend en droite ligne du latin populaire pipa, « flûte, fifre ». Et l'on s'étonnera, après ça, que le renoncement du Premier ministre à l'âge pivot passe, aux yeux des irréductibles, pour... du pipeau (ou, en langage macronien : de la pipe) !

Dernière famille d'accueil étymologique citée à l'occasion par les hommes de l'art, celle du latin pupa, « jeune fille ». Mais chacun comprendra qu'elle rallie sensiblement moins de suffrages que les précédentes : nul besoin, en effet, d'être grand clerc pour s'apercevoir que, dans cette histoire, les négociations auront été tout sauf une affaire de fillettes...

Quand on pense que de fins stratèges de la communication ont voulu faire de cet âge pivot prédestiné un âge... d'« équilibre » ! Un brin utopique à soixante-quatre ans, la plupart des seniors vous le diront pour le perdre plus souvent qu'à leur tour...