Pour ce qui est de l'alternative,
a-t-on encore vraiment le choix ?
Gageons que le titre qui, il y a quelque quinze jours, barrait la une de votre journal préféré aura fait grincer des dents plus d'un puriste : « MAISONS MÉDICALES DE GARDE : ENFIN UNE ALTERNATIVE AUX URGENCES ? »
Rappelons en effet ce que disent les Tables de la Loi linguistique : en français, ladite alternative est une « obligation de choisir entre deux possibilités » (Petit Larousse), une « situation dans laquelle il n'est que deux partis possibles » (Petit Robert). Dans cette acception, la seule encore une fois à être reconnue par nos lexicographes, l'unique alternative qui se présente aux usagers des urgences, ces services que l'on sait passablement saturés, est de patienter... ou de s'enfuir avec ce qu'il leur reste de jambes !
On aura compris que ce n'était en rien le sens invoqué par notre titre, lequel entendait plutôt par là une « solution de remplacement ». Cette... extension du domaine de l'alternative, comme dirait sans doute Michel Houellebecq, est des plus répandues, au point que les dictionnaires susnommés se sentent désormais obligés d'en faire état, fût-ce avec des pincettes : en présentant le tramway comme une alternative à la voiture, Larousse parle d'un « emploi critiqué » ; même son de cloche chez Robert, son « alternative à la pilule » étant clairement identifiée comme un sous-marin de la perfide Albion.
N'attendez pas plus d'indulgence des multiples ouvrages qui recensent les pièges de la langue française : Thomas, Girodet et les autres n'ont pas de mots assez durs pour quiconque, confondant alternative et possibilité, nous ferait hésiter « entre deux alternatives », soit, au pays de Descartes, entre... quatre solutions !
Le drame est bien que les équivalents crédibles ne se bousculent pas au portillon. Une « solution de remplacement » aux urgences ? Une « solution de rechange » ? Long (ce qui frôle le rédhibitoire pour un titre de presse), équivoque et, convenons-en, peu élégant. Joseph Hanse avouait d'ailleurs, dans son Dictionnaire des difficultés du français, que l'application d'alternative à chacun des termes du choix plutôt qu'au choix lui-même était le fait de bons écrivains, voire de grammairiens prompts à la critiquer ! Il ne faudra donc pas s'étonner si cette hardiesse devient bientôt la règle, La Voix du Nord ayant alors montré... la voie de demain !