Et un... et deux...
et plein d'« -euro » dans nos dicos !
S'il est vrai que les dictionnaires sont les miroirs de notre société, il semble pour le moins fondé de les interroger sur l'Europe, surtout un jour comme celui-ci ! Et, c'est sûr, on ne fait pas le voyage pour rien...
Première constatation, des plus troublantes : chez Larousse comme chez Robert (l'unanimité entre ces deux-là est suffisamment rare pour être soulignée), s'il y a bien un europhobe, il n'y a pas d'europhile ! On s'était pourtant fait à l'idée, et depuis longtemps, que ces suffixes allaient par deux : francophile et francophobe, anglophile et anglophobe, germanophile et germanophobe, russophile et russophobe, etc. Eh bien, l'Europe fait clairement bande à part. S'il paraît naturel de la détester, impossible de l'aimer : il n'y a pas de mot pour ça.
Pour autant, n'allez pas nous faire dire ce que nous n'avons pas écrit ! Afin de contrebalancer ledit europhobe — ainsi que le plus présentable eurosceptique —, des vocables ont bel et bien cours. Européiste d'abord, dont Robert fait même l'antonyme patenté d'europhobe à travers son exemple : « les européistes et les europhobes ». Qui ne sentirait pourtant que cet attelage est bancal ? L'européisme, en isme qui se respecte, sonne comme une adhésion intellectuelle, quand le rejet traduit par l'europhobie viendrait bien plutôt... des tripes !
Autre terme qui siérait mieux au disciple de Robert Schuman qu'au groupie de Nigel Farage : européaniste. Écoutez la différence, vous ne risquez pas de l'entendre... Les deux termes sont vendus comme équivalents par Robert même si, nouvelle surprise, cet européiste/européaniste n'a pas vraiment le même sens que dans la maison d'en face. Un simple « partisan de l'Europe et de son unification » ici devient là un quasi-synonyme de fédéraliste, que l'on n'hésite d'ailleurs pas à opposer à souverainiste ! Reste le basique européen (puisqu'on lui fait à l'occasion signifier « favorable à la construction européenne »). Sans oublier paneuropéen ! Cela dit, est-il si étonnant qu'il soit besoin de tant de mots pour figurer un engagement à géométrie aussi variable ?
Ce qui manque à tout ça, soupireront d'aucuns, c'est une authentique... eurovision. Le mot existe, mais il est déposé et porte une majuscule. De surcroît, le piètre spectacle de chauvinisme et de copinage auquel donne lieu, chaque année le concours qui porte son nom n'est pas forcément de nature à réconcilier avec le concept !