Participe passé (2) : des vertus
insoupçonnées de la contrainte...
Au dire d'Arnaud Hoedt et de Jérôme Piron, anciens professeurs de français en Wallonie, il faudrait en finir avec cette règle d'accord du participe passé conjugué avec l'auxiliaire avoir, souvent jugée obsolète et arbitraire.
Elle remonterait en effet au temps... des moines copistes ! Ces derniers, au moment de tracer ledit participe sur le papier, l'accordaient quand ils savaient de quoi l'on parlait (entendez chaque fois que le complément d'objet direct l'avait précédé dans la phrase). Sinon, ils n'y touchaient pas, impuissants qu'ils étaient à établir si ce COD à venir allait être masculin ou féminin, singulier ou pluriel. Et c'est ainsi que se trouve démythifiée une règle qui serait tout sauf cartésienne : car enfin la place qu'occupe le COD dans la phrase change-t-elle quoi que ce soit à la nature du participe ?
Nous verrons plus loin que la cause est moins entendue qu'il n'y paraît. Pour l'heure, c'est une autre question qui nous brûle les lèvres : pour se révéler efficace, une règle doit-elle toujours être fondée en raison ? La littérature répond non.
Il y a quelques siècles, on n'avait pas de mots assez durs pour condamner ces règles classiques que Boileau avait sacralisées dans son Art poétique, notamment celle dite « des unités ». Il importait que l'action tragique se déroulât en un seul jour (pis, entre le lever et le coucher du soleil !) et un seul lieu. Les fondements de ces diktats étaient aussi bassement matériels que celui dénoncé plus haut : il s'agissait surtout de ne point multiplier les décors à une époque où ils ne s'escamotaient pas d'une simple pression sur un bouton, et de ne point disperser l'attention d'un spectateur prompt à l'assoupissement. Nos romantiques n'ont pas eu à forcer leur talent pour stigmatiser ce carcan qui leur paraissait inutile et contre-productif.
Aujourd'hui, nous serions pourtant peu à vouloir échanger une seule pièce de Racine contre tout le théâtre de Hugo. Ces règles, autrement contraignantes que celle qui nous occupe, ont obligé les auteurs à se concentrer sur l'essentiel, à bannir toute digression pour approfondir la seule étude des caractères. À l'arrivée, de purs chefs-d'œuvre dont on a vite fait d'oublier qu'ils ont été édifiés sur le sable de l'invraisemblance.
Une leçon à méditer, avant de passer en revue les effets pervers qu'entraînerait cette simplification volontiers présentée comme anodine. À la semaine prochaine, donc !