Vol au-dessus d'un nid
de psychiatres et de psychanalystes
On se souvient du tollé qu'a provoqué le pape François, il y a quelque quinze jours, dans l'avion qui le ramenait d'Irlande, en conseillant aux parents des jeunes homosexuels de s'en remettre à la psychiatrie.
Quand ils n'ont pas invoqué l'erreur de traduction, certains de ceux qui sont venus à la rescousse du Saint-Père ont plaidé une possible confusion avec la psychanalyse, cette dernière agitant moins le spectre de la maladie mentale.
De la validité de cette thèse il n'appartient pas au chroniqueur de langue de juger. Tout au plus sait-il d'expérience que psychiatrie et psychanalyse constituent un univers impitoyable et propice à force dérapages, y compris dans le domaine — par bonheur moins scabreux — de l'orthographe.
Ce qui coince avec le psychanalyste, ce sont ces deux « y » dont on voudrait que l'un fût de trop. Si en effet nombre de nos compatriotes détestent qu'une consonne double s'invite plus d'une fois dans un même mot (ce qui produit des « carosses », des « flotilles » et « des « malettes » de singulière facture), ils n'adhèrent pas davantage aux vocables qui abusent des lettres réputées « chères » au Scrabble. Sans toujours savoir où il convient de placer ledit « y », ils s'accommodent de la glycine et de la cystite, du tricycle et du vinyle. Mais ils vomiront caryotype, lymphocyte et polystyrène, qui le consomment sans modération. Il suffirait pourtant de se souvenir que la psychanalyse est l'analyse de la psyché pour qu'à l'arrivée aucun « y » ne manque à l'appel. Mais il faudrait alors écrire et réfléchir en même temps et le « en même temps », outre qu'il montre ces jours-ci ses limites sur le terrain politique, a tout pour décourager les meilleures volontés.
Le psychiatre, lui, a eu le bon goût de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Las ! c'est du côté du « a » que le bât blesse : on tend par trop à le coiffer d'un circonflexe, lointain souvenir de l'entonnoir qui couronnait jadis le sinciput de ses clients les plus atteints. Celui-là n'a pourtant cours que dans une poignée de mots péjoratifs (acariâtre, bellâtre, marâtre), ou encore lorsqu'il s'agit de nuancer une couleur (verdâtre). Rien de tel ici, le grec iatros, « médecin » servant désormais de suffixe à diverses spécialités (pédiatre, gériatre, phoniatre).
Voilà qui devrait vous rendre, amis lecteurs, plus infaillibles que le pape !