Avec Trump et Macron, la diplomatie
est surtout un long fleuve... tactile !
Petit Larousse et Petit Robert ne vont plus tarder, pour écouler au mieux leur production annuelle, à nous refaire le coup des mots et sens nouveaux, histoire de nous rappeler que plus moderne qu'eux, tu meurs sur place !
S'il est, cela dit, un mot qu'il nous tarde de voir enrichi d'une acception, c'est bien tactile. La récente visite d'État qu'a faite Emmanuel Macron aux États-Unis aura été l'occasion d'un vrai déferlement dans les médias : « Trump-Macron, tactiles pour le meilleur et pour le pire » (L'Express) ; « Donald Trump est très tactile avec Emmanuel Macron » (Valeurs actuelles) ; « Il faut dire que les deux présidents ont été très tactiles » (Libération) ; « Souvent tactile avec ses hôtes, Emmanuel Macron s'est fait largement dépasser... » (L'Obs) ; « Le président français reconnaît être très tactile » (Le Dauphiné libéré) ; « Aux États-Unis, on est un peu moins tactile qu'en France » (Vanity Fair), etc.
Celui-là, nos lexicographes ne l'ont pas vu venir. Il y aurait cependant eu de quoi : on lisait déjà dans Closer, en 2015, que « François Hollande avait été très tactile avec la femme du président mexicain » ; dans Les Inrocks, en 2012, que Nicolas Sarkozy était « nerveux, volubile, tactile ». Malgré tout, dans nos dictionnaires, sont seuls reconnus tactiles l'écran et... les moustaches du chat ! À la rigueur, il est fait mention d'une « communication tactile », entendez par là qu'elle se manifeste par des poignées de main, tapes et accolades. Mais jamais il n'est question de dire cela d'un individu.
Le glissement de sens nous pendait pourtant au nez comme un sifflet de deux sous. Il y a plus d'un siècle qu'il a eu lieu pour visuel et auditif, le Journal d'André Gide l'atteste dès 1892 : « On cause ; on discute : enfin l'on comprend que l'on est un auditif et que l'on parle à un visuel. Et l'on croyait se comprendre ! » Robert est au parfum puisqu'il fait de visuel un substantif s'appliquant à une « personne chez qui les sensations visuelles prédominent ». L'odorat aussi y avait eu droit, un héros de Bernanos s'entendant traiter de « grand olfactif ».
Tactile, jusqu'à ce jour, faisait figure de grand oublié. Mais c'est peut-être tout bonnement parce que les présidents d'hier donnaient plus volontiers dans le hiératique que dans le familier : comme aurait pu dire François Fillon, imagine-t-on le général de Gaulle pelotant son homologue ?