Trop d'amabilités nuirait
à l'efficacité de l'entretien télévisé...

< dimanche 22 avril 2018 >
Chronique

Gageons que ce titre aura choqué plus d'un lecteur. Sinon sur le fond, qui n'est pas du ressort du chroniqueur de langue, du moins sur la forme : nos réflexes grammaticaux ne privilégient-ils pas un verbe au pluriel ?

Il n'est que... trop vrai qu'après l'adverbe de quantité trop, l'accord se fait presque toujours avec le complément : « Si trop de journalistes ont tendance à jouer les béni-oui-oui quand ils interrogent le chef de l'État, trop de présidents prennent la mouche dès qu'on les pousse dans leurs derniers retranchements. » Rien de plus naturel, à première vue, que d'en faire autant ci-dessus en se réglant sur le pluriel amabilités.

Reste que la grammaire n'est pas plus automatique que les antibiotiques et qu'elle a — heureusement — des comptes à rendre au sens de la phrase. Quand un homéopathe insinue que « trop de médicaments nuisent à la santé », il dénonce les effets indésirables que sont susceptibles d'entraîner de nombreuses molécules, lesquelles défont là ce qu'elles réparent ici. Qu'un allopathe reconnaisse maintenant que « trop de médicaments nuit à la santé », et l'on comprend que c'est l'abus de médicaments, quels que soient ces derniers, qui est visé. Il n'est que normal, dès lors, que le complément perde de son importance au profit d'un trop auquel on pourrait aisément substituer le substantif excès.

Ainsi, notre titre — plus vraisemblablement inspiré, on l'aura deviné, de la philosophie de Jean-Jacques Bourdin et d'Edwy Plenel que de celle de Laurent Delahousse et de Jean-Pierre Pernaut ! — laisse entendre que rien de significatif ni d'utile ne saurait ressortir d'un entretien trop complaisant...

Dans le même ordre d'idées, notre confrère Le Point s'est fourvoyé la semaine dernière en écrivant : « Trop de révisions tuent la Constitution ». Qui ne devinerait en effet qu'il s'agit là de mettre en garde contre un recours immodéré et par trop systématique à la procédure de révision constitutionnelle ? Le journaliste le confirme du reste explicitement dans son article : « S'il semble nécessaire d'actualiser la Constitution pour prendre en compte les transformations de la société (...), il convient de proscrire les modifications dictées par les circonstances. »

C'est que la syntaxe n'est jamais trop subtile quand elle permet d'épouser la richesse de notre pensée !