De canicule à caniche...

Quel temps de chien !

< mardi 29 août 1995 >
Chronique

Provocation ou véritable cri du cœur, il n'est pas impossible que cette exclamation de dépit ait constitué le tube de l'été pour bon nombre de Nordistes, cueillis à froid par des températures caniculaires auxquelles, reconnaissons-le, ils ne sont en rien habitués... Si paradoxal que cela puisse paraître, l'étymologie, au demeurant, n'est pas loin de leur donner raison : « canicule » vient du diminutif canicula, qui signifiait en latin « petite chienne ». C'est aussi et surtout, en astrologie, l'autre nom de Sirius, l'étoile la plus importante de la constellation du Grand Chien : avant que le terme ne s'applique, par extension de sens, à une très forte chaleur, il désignait en effet la période — présumée chaude puisqu'elle s'étend du 22 juillet au 22 août — durant laquelle l'étoile en question se lève et se couche en même temps que le soleil. Cette leçon vaut bien un climatiseur, sans doute ?

Le canari descend du chien

« Canicule » n'est pas le seul de nos vocables à avoir du chien, il s'en faut d'ailleurs de beaucoup. Nous ne nous attarderons guère sur « canine », la parenté, évidente, ne nous paraissant pas mériter d'explication plus... pointue. Mais c'est aussi le cas du terme péjoratif « canaille », lequel s'est du reste imposé aux dépens de celui, plus ancien — et moins équivoque encore —, de chiennaille ; de « chenille », vrai faux jumeau de « canicule » puisque c'est par analogie de forme avec la tête d'une petite chienne que le mot aurait pris, dans notre langue, le sens de « larve de papillon » ; et même de « cagnotte », à l'origine « petite cuve utilisée pour fouler la vendange » (au dire de certains lexicographes, le mot « chien » et ses dérivés auraient fréquemment servi, par le passé, à désigner des ustensiles et des récipients de cette nature). Mais la filiation la plus inattendue et, pour tout dire, la plus cocasse nous semble bien être celle de « canari ». Celui-là descendrait du chien aussi sûrement que l'homme du singe, les îles Canaries auxquelles il doit son nom passant, à tort ou à raison, pour avoir abrité des canidés de très grande taille (c'est du moins ce qu'aurait prétendu, en son temps, et pour les avoir explorées, le roi de Mauritanie Juba II)... En revanche, notre si distingué caniche  sera probablement désolé d'apprendre qu'il n'a rien à voir — sur le plan étymologique, s'entend ! — avec la gent canine : en dépit des apparences, ce toutou des plus fidèles tirerait son nom de la « cane », dont il partagerait le penchant pour l'eau  ! Dans quelles contradictions, décidément, notre langue ne va-t-elle pas se nicher ?

Attention : chien... chaud !

Toutes ces histoires de chiennes plus ou moins en chaleur nous conduisent, par pure association d'idées, à évoquer ces fameux « hot dogs » (avec ou sans trait d'union selon les dictionnaires), qui sont actuellement les vedettes incontestées de nos plages. Quand il serait évident que les ouvrages de référence ne sont pas faits uniquement pour les chiens, Alain Rey et son irremplaçable Dictionnaire historique de la langue française nous apprennent qu'il s'agirait à l'origine, c'est-à-dire en argot américain, d'une allusion plaisante, mais non moins vacharde, à la morphologie oblongue du basset. Est-ce là une raison, plaideront quantité d'estivants échaudés, pour pratiquer des tarifs aussi prohibitifs ? Ces « chiens chauds » là, pour parler comme nos cousins du Québec, ne sont que trop souvent attachés, on en conviendra, avec des saucisses ! Gardons-nous bien, toutefois, de cracher dans une soupe estivale dont, à coup sûr, nous ne devrions pas tarder à éprouver la nostalgie... C'est que, canicule ou pas, les vacances sont terminées et il va désormais falloir, nom d'un chien, reprendre le collier !