Emmanuel Macron,
la meilleure façon de marcher ?
Ce succès du mouvement « En marche ! », n'est-ce pas l'occasion rêvée de disséquer l'étymologie d'un verbe dont toutes les acceptions ou presque sont sous les feux de l'actualité ?
Si l'on en croit le Dictionnaire historique de la langue française, lequel rappelle l'influence du proche marquer, son sens premier aurait été, dans la langue médiévale, « fouler aux pieds ». Et c'est bien vrai que, pour construire sa victoire, le nouveau président aura dû commencer par piétiner les plates-bandes des partis traditionnels : demandez plutôt à ces derniers, ou du moins à ce qui en reste, ce qu'ils en pensent !
Cela dit, l'idée de « se mouvoir » se sera vite imposée, tant il paraît naturel de mettre un pied devant l'autre... Si Emmanuel Macron a quelquefois donné l'impression de revenir aux sources du mot en « marquant le pas », à propos de la colonisation par exemple, il aura soigneusement évité le surplace...
En ce jour où notre marcheur accroche ses crampons au portemanteau de l'Élysée, c'est à une acception plus jeune de quelques siècles, plus familière surtout, que l'on pense spontanément : « Macron, est-ce que ça peut vraiment marcher, là où tous ses prédécesseurs ont échoué ? » C'est en effet dans les années seize cent que le verbe a pris le sens de « fonctionner », au point de se substituer à « aller ». Nul doute que, l'état de grâce passé, ce ne soit à cette version-là que l'on fasse le plus souvent appel, le scepticisme étant la chose la mieux partagée au pays cartésien qui est le nôtre...
Si les fruits devaient par trop tarder à tenir la promesse des fleurs, il serait même à craindre que le nouveau locataire de la rue du Faubourg-Saint-Honoré ne s'entendît accuser d'avoir « fait marcher » les Français, en les laissant croire à des lendemains qui chantent enfin. Cette extension de sens est plus récente encore, puisqu'elle date du milieu du XIXe siècle. Elle en suit de peu une autre (« acquiescer, adhérer »), qui pourrait connaître un regain de faveur si le Kennedy français, comme on l'appelle déjà, voyait ses illusions se fracasser sur cette force d'inertie dont l'Hexagone s'est fait une douteuse spécialité. Ce ne serait certes pas, il s'en faut, la première fois que l'électeur, après avoir porté au pouvoir un homme qu'il espérait providentiel, lui signifierait tout à trac : « Je ne marche plus ! »