Œil pour œil, résidant pour résident

En feuilletant les pare-brise...

< mardi 29 juillet 1997 >
Chronique

Un lecteur assidu de Faches-Thumesnil (gardons-nous de tout accent circonflexe, de peur de le... fâcher davantage) nous signale que les automobilistes lillois qui souhaitent bénéficier d'un tarif préférentiel lorsque leur véhicule stationne devant leur domicile se voient généreusement attribuer une carte de... résidant. C'est là, en effet, la graphie qui est utilisée sur ladite carte comme, d'ailleurs, dans tous les dépliants qui vantent les avantages d'icelle. Et notre facétieux correspondant de s'interroger : tout cela est-il bien raisonnable ? Accordons-lui que non. Quand c'est le substantif qui est en cause, ce qui est à l'évidence le cas ici, résident devrait s'imposer avec la même facilité que président ! S'il y a pour le moins hésitation, au contraire, c'est que l'Académie ne s'est jamais prononcée nettement sur l'orthographe de l'adjectif correspondant, acceptant aussi bien « les membres résidants » que « les membres résidents  » d'une société... Reconnaissons avec elle que, d'un côté comme de l'autre, il n'y avait rien qui pût sérieusement bousculer les habitudes de notre langue puisqu'en français certains adjectifs verbaux s'alignent sur l'orthographe du participe présent (excédant) alors que d'autres s'en écartent (précédent). Mais « cette double morphologie, dont l'inutilité saute aux yeux, note notre excellent confrère Michel Mourlet dans Valeurs actuelles, est sans doute pour le substantif une source de confusion qu'il serait souhaitable d'éliminer ». De fait, le langage administratif a pris la coupable habitude d'employer substantivement l'orthographe résidant, usage qu'ont plus ou moins entériné les dictionnaires... quand ils ne lui ont pas de surcroît trouvé une justification d'ordre sémantique ! C'est ainsi que Larousse et Hachette distinguent entre résident, qui se dirait surtout de la personne établie dans un pays autre que son pays d'origine et résidant, qui s'appliquerait plus volontiers à l'occupant d'un ensemble immobilier... Il n'est pas sûr, malgré tout, que de tels raffinements servent la logique grammaticale !