Dernier cri de l'épreuve universitaire :
le corrigé inclus...

< dimanche 25 septembre 2016 >
Chronique

Toulouse n'est pas « Ville rose » pour rien : lors de l'examen d'entrée à l'École des avocats, les quelque deux cent cinquante candidats se sont vu remettre, en même temps que le sujet de « raisonnement juridique », son corrigé !

Elle n'est pas belle, la vie ? Bien sûr, le couac n'aura pas échappé aux surveillants et ladite épreuve a été aussitôt annulée, au grand dam d'étudiants condamnés à revenir à la barre, ou plutôt au pupitre, ce vendredi. Il n'empêche : ne tenons-nous pas là le remède, le seul, le vrai, à l'échec scolaire ? Distribuer les réponses avec les questions, c'est l'assurance ultime que le cru sera bon ! Nul doute, en tout cas, que l'expérience ne retienne l'attention des champions du « bac pour tous » : n'est-ce pas la solution pour que soient enfin atteints les 100 % de la classe d'âge, n'en déplaise à ces aigris qui ne veulent point reconnaître que le niveau monte ?

Dans le domaine de l'orthographe, secteur sinistré entre tous, cette mesure innovante devrait ravaler au rang d'édulcorants tous les efforts jusqu'ici déployés (notation sur six points, barème complaisant, etc.) pour que la dictée du brevet, qui n'a pourtant plus rien d'une terreur, fasse le moins de victimes possible. Demander aux élèves de recopier le texte, voilà l'occasion d'en finir avec la pédagogie punitive des générations qui ont précédé, non ?

Au risque de paraître rabat-joie, qu'il nous soit ici permis d'en douter. Compte tenu de la faculté d'attention dont se montrent capables nos chères têtes blondes, il n'est pas même sûr que le recopiage en question ne leur soit pas une épreuve. Nous avons souvent prétendu, et nous continuons à le croire, qu'une orthographe intégralement phonétique ne nous mettrait nullement à l'abri des bourdes. On peut faire confiance au distrait pour qu'il parvienne à compliquer ce qui est simple, ajoute un -s au singulier, l'oublie au pluriel, inflige aux adjectifs des désinences verbales. Ne sous-estimons pas, de ce point de vue, l'inventivité des « apprenants » d'aujourd'hui !

Sérieusement, l'expérience mériterait d'être tentée sur une grande échelle. Ne serait-ce que pour démontrer une fois pour toutes à nos réformateurs que le désastre actuel tient beaucoup moins à la complexité de notre langue qu'au manque chronique de rigueur et de concentration qui caractérise notre époque.