Même en mai,
il n'est pas interdit d'interdire...
certaines tournures !
Combien de fois n'entendons-nous pas que, pour s'être rendu coupable d'une faute professionnelle, quelqu'un est « interdit d'exercer » ? À y bien réfléchir, c'est l'expression elle-même qu'il conviendrait d'interdire...
Un rapide coup d'œil du côté des dictionnaires nous confirmerait d'ailleurs que ce tour n'y est pas recensé : interdit d'antenne (Larousse, Robert), de séjour (Robert, Académie), de chéquier (Robert), de jeu (Académie), à la rigueur ! Encore Maurice Grevisse marque-t-il au passage son peu d'enthousiasme pour ces formules « récentes » qu'il trouve « sujettes à caution » : si interdit de séjour, avalisé par l'Académie en 2000, trouve du coup grâce à ses yeux, il n'en va pas de même pour le « journaliste interdit d'antenne », le « public interdit d'accès », la « route interdite de circulation », le « produit interdit de vente », qu'il fait à chaque fois précéder du signe °, rappelant que cette façon de parler ne ressortit pas au « français général ». (Rien, en revanche, sur la locution « être interdit bancaire », laquelle, pour être généreusement employée sur la Toile, ne me semble pas pour autant relever de l'orthodoxie grammaticale !)
Quant à faire suivre la préposition d'un infinitif, comme dans le susdit « interdit d'exercer », il n'en est question nulle part.
On peut comprendre la circonspection de nos grammairiens. S'il est possible en effet d'« interdire quelqu'un », et au besoin « de quelque chose » (ce qui revient à « le destituer, le suspendre de ses fonctions, le priver de ses droits »), il semble plus difficile d'« interdire quelqu'un de faire quelque chose ». On ne peut en effet, en français correct du moins, que le lui interdire (au sens cette fois de « défendre, empêcher »). Or, seul un verbe transitif direct (qui se construit, partant, avec un COD) est habilité à subir une transformation passive : dès lors que l'on ne peut interdire les gens d'exercer (c'est « aux gens » qu'il faudrait dire), ces derniers ne sauraient décemment, à notre sens, « être interdits d'exercer » !
Si le solécisme ne laisse pas davantage... interdit, c'est probablement parce que des phrases de tous les jours comme « Il est interdit de fumer » sont des plus irréprochables, elles, au regard des règles de la syntaxe. Mais le « il », dans ce cas, est impersonnel et n'a plus rien à voir avec un quidam qui aurait fait l'objet d'une sanction !