Nouvelle orthographe :
là aussi, la suite aux prochain numéraux ?

< dimanche 13 mars 2016 >
Chronique

Il en va de l'orthographe des nombres comme de l'accord du participe passé : on a l'impression que, là autant qu'ici, la montagne de la réforme a finalement accouché d'une souris. Reste à savoir laquelle...

Gageons que plus d'un réformateur aurait volontiers tordu le cou à la règle — considérée comme arbitraire dans Le Bon Usage — qui veut que vingt et cent prennent la marque du pluriel quand ils sont multipliés, mais la perdent dès que les suit un autre adjectif numéral : « trois cents », « trois cent cinquante ». Non que ladite règle soit inconnue du commun des Français, lequel l'étendrait même, à tort, aux noms millier, million et milliard, en écrivant par exemple « trois [cent] millions ». Mais bien plutôt parce qu'elle nous complique la vie, comme celle, tout aussi discutable selon Grevisse, qui fait de vingt et de cent des adjectifs invariables quand ils sont employés en tant qu'ordinaux : « page quatre-vingt », « l'an mille neuf cent ».

Il faut croire que, sur ces grives-là, on aura jugé urgent d'attendre puisqu'on s'est prudemment rabattu sur les merles que constituaient les traits d'union. Ceux-ci n'étaient fondés à se glisser qu'entre deux numéraux inférieurs à cent, et encore, à condition qu'un et ne vienne pas s'en mêler ! Ce qui obligeait jusqu'ici à écrire « trois cent vingt et un mille quatre-vingt-dix-sept ». Pour que l'on n'ait plus à réfléchir en libellant son chèque, il a donc été décidé que l'on mettrait désormais des traits d'union partout : « trois-cent-vingt-et-un-mille-quatre-vingt-dix-sept ». Et tant pis si de tels monstres dignes de Jurassic World entraînent des dommages collatéraux pour la justification, au sein des colonnes étriquées de nos journaux... Mais allez parler d'esthétique à des techniciens de la langue !

Cela dit, il y a beaucoup plus gênant : ce trait d'union généralisé est ce qu'ont cru comprendre les zélateurs de l'orthographe nouvelle, si l'on en juge du moins par ce qu'on lit partout sur la Toile. André Goosse note pourtant, de son côté, que million et milliard ne devraient en être ni précédés ni suivis, puisque ce sont des noms. Voilà qui, à coup sûr, va casser l'ambiance et compliquer ce qui avait vocation à être simple.

Était-ce trop demander à la réforme que d'accorder au préalable ses propres violons ?