Nouvelle orthographe :
« ette » ou pas « ette »,
telle n'est plus la question !

< dimanche 28 février 2016 >
Chronique

Les seuls verbes dont les réformateurs ont été amenés à rectifier la conjugaison sont ceux qui se terminent par -eler ou par -eter. Il faudrait être de mauvaise foi pour nier que la situation a été longtemps confuse...

C'est que l'usage, de façon plutôt arbitraire, avait jusqu'ici consacré deux façons différentes de noter le son « e ouvert » : ou, le plus souvent, on doublait la consonne, sur les modèles de « il jette » et « il appelle » ; ou l'on coiffait le « e » la précédant d'un accent grave, à l'instar de « il achète » et « il gèle ». Les compétiteurs s'en accommodaient en se récitant des phrases pittoresques comme « Si tu as le temps de fureter, achète-moi un crochet pour mon corset », lesquelles leur remettaient en mémoire les verbes qui faisaient exception (haleter, fureter, acheter, crocheter, corseter). Mais, outre le fait qu'elles n'étaient pas connues du commun des mortels, elles ne suffisaient pas toujours à la tâche. De surcroît, la question était loin de faire l'unanimité dans nos dictionnaires usuels : il suffisait même que les poules caquettent chez Larousse pour qu'elles caquètent chez Robert !

Il a donc été décidé que dorénavant, et à l'exception des verbes appeler et jeter, « dont les formes sont les mieux stabilisées dans l'usage », et de ceux de leur famille, tous les verbes en -eter et en -eler se conjugueraient sur le modèle d'acheter et de geler. D'aucuns s'étonneront peut-être qu'en l'occurrence l'exception soit devenue la règle, mais il faut sans doute voir là la méfiance instinctive de nos linguistes à l'égard des consonnes doubles, laquelle s'est amplement vérifiée sur d'autres terrains que celui-ci.

Pour ce qui est des noms qui dériveraient des verbes dont on parle, ils connaîtront évidemment le même sort : c'est ainsi que amoncellement, ensorcellement et étincellement deviennent par voie de conséquence amoncèlement, ensorcèlement et étincèlement, et tant pis si, dans ce dernier cas, l'étincelle risque de ne pas se faire ! Quant à ceux qui crient — et il nous arrive d'en être — au nivellement par le bas, ils en seront quittes pour écrire nivèlement, ce qui ne changera pas grand-chose à l'idée qu'ils s'en font...

On aura compris que nous ne nous battrons pas là-dessus : on... grommellera pour la forme, mais la mesure est fondée et cohérente. Comme on disait jadis chez Volkswagen, on ne peut tout de même pas se tromper tout le temps !