La Corée du Nord veut
que tout le monde puisse faire la bombe !
Pas question ici de bombe H, mais de celle que nous pourrions faire sans craindre la gueule de bois grâce à l'alcool miracle, mélange de ginseng et de riz gluant brûlé, que nous promet le gouvernement de Pyongyang...
Pour peu que la nouvelle ne relève pas de la propagande, habituelle là-bas, il n'était que temps : au pays de la dive bouteille, on a toujours... vu double en matière d'ivresse, toujours balancé entre saoul et soûl. On eut d'abord recours à la première graphie, qui devait beaucoup au latin satullus, « rassasié » (car il n'était pas, à l'origine, seulement question de boisson), avant que, dans son Dictionnaire, l'Académie n'opte pour soûl en 1694. Passons sur la propension de certains à marier alors la carpe et le lapin, au point d'aboutir quelquefois à un [saoûl] digne de Jurassic Park. Mais voilà que la nouvelle orthographe prône aujourd'hui, dans le cadre de la chasse qu'elle fait aux accents circonflexes sur les « i » et les « u », une troisième graphie, à savoir soul ! Et tant pis pour celui qui, fin soul, fredonnerait de la soul...
En tout cas, c'est Nougaro qui serait bien aise s'il revenait, toute honte bue, chanter la sérénade sous les croisées de sa Marie-Christine : on l'entend d'ici hurler « Je suis saoul, soûl, soul, sous ton balcon... »
Et je vous fais grâce des dommages collatéraux. C'est que, pour désigner aujourd'hui (sur le mode familier) quelqu'un qui lève trop facilement le coude, on dispose de quatre graphies dûment estampillées par nos dictionnaires : soûlot, soulot, soûlaud, soulaud... sans compter le très voisin saoulard, soûlard ou soulard. Comme l'aurait dit Alfred, qu'importe l'orthographe, pourvu qu'on ait l'ivresse !
Pas sûr que cette pléthore de vocables améliore notre image aux yeux d'un étranger par trop enclin, quand il s'adonne au « French bashing », à ne retenir que la bouteille à moitié vide : ainsi, ne comptez pas sur son objectivité pour qu'il porte à notre crédit les efforts que nous faisons aussi pour dessaouler, dessoûler ou dessouler...
Vous, je ne sais pas, mais moi, ces variantes, ça me soûle (écrivez-le comme vous voudrez). Alors, faute de remédier à l'effet, si la Corée du Nord pouvait avoir trouvé le moyen de supprimer la cause... Je commande quelques cartons, et je vous en reparle...