La formule magique
du français branché d'aujourd'hui : « 2.0 ! »
Si par extraordinaire la chose ne vous a pas sauté aux oreilles jusqu'ici, ouvrez-les toutes grandes : le monde dans lequel nous vivons nous est de plus en plus présenté comme un univers « 2.0 » (prononcer deux point zéro).
Quèsaco ? Comme toujours quand il s'agit de jargon snobinard, le phénomène n'est pas aisé à cerner. Disons, pour simplifier, que l'expression renvoie à la deuxième génération du Web, réputée moins élitiste que la première et d'abord soucieuse de favoriser l'interactivité parmi ses utilisateurs. D'aucuns n'ont pas hésité à évoquer un « Web participatif », voire « social », permettant à tout un chacun, quelques compétences qu'il ait en la matière, de s'approprier les nouvelles fonctionnalités de la Toile.
Jusque-là, pas de quoi fouetter un chat, une souris d'ordinateur encore moins ! Le hic, c'est que cette formule, dont la définition est loin de faire l'unanimité chez les spécialistes de la chose informatique, se trouve aujourd'hui accommodée à toutes les sauces du quotidien, histoire de faire moderne.
C'est ainsi que l'on a pu parler, pour ne prendre là qu'une poignée d'exemples parmi cent autres, d'architecture, de journalisme, d'économie, de banque, voire de villes ou de livres 2.0 ! On s'est même risqué à rêver tout haut d'un gouvernement 2.0, qui userait des « outils collaboratifs » que lui offre ce nouveau Web pour devenir « plus ouvert, transparent, réactif et efficace ». Vaste programme, sinon authentique révolution, dans un pays qui n'est d'ordinaire que trop prompt, pour évaluer ceux qui le gouvernent, à user plutôt du... zéro pointé !
Cela dit, il n'y a là rien d'étonnant : les sciences en général et l'informatique en particulier exercent une telle fascination sur l'usager (surtout quand ce dernier n'y entrave que couic) que ses habitudes langagières ne peuvent que s'en ressentir. Dans certains milieux, ne se télécharge-t-on pas, au dire de Pierre Merle, au lieu de se déplacer ? Plus communément, imprimer devient, dans le langage familier, un synonyme de « comprendre ». En revanche, ne devrait rien à cette mode du « high-tech » la locution ne pas calculer quelqu'un (« ne pas le prendre en compte, l'ignorer »), dûment recensée par nos dictionnaires : elle serait, dit-on, calquée sur l'arabe...
C'est égal, nous en viendrions presque à regretter le bon temps du... 0.0 !