De bravi à bravos,
en passant par... la bravitude !
Si, parmi les dix mots que nous livre cette année en pâture la Semaine de la langue française et de la francophonie, il en est un sur lequel on ne songe pas à s'arrêter, c'est bien bravo ! Est-il interjection plus familière ?
L'histoire dudit mot n'a pourtant rien d'un long fleuve tranquille. Si ses ascendances italiennes se laissent deviner, sait-on toujours qu'il était à l'origine un adjectif — l'équivalent de notre brave —, grâce auquel on s'adressait à une personne dont on louait la performance ? C'est si vrai que le mot a longtemps varié en fonction de l'artiste : on lançait des « brava ! » à une cantatrice, des « brave ! » à plusieurs. Qu'il y eût un mâle dans le lot, et c'étaient des « bravi ! ». D'ici qu'au nom de l'égalité des sexes, les féministes remettent le distinguo au goût du jour...
Il est d'ailleurs à noter que la forme bravi a un temps concurrencé notre pluriel bravos, un peu comme les concerti et les scenarii ont taillé des croupières à nos concertos et scénarios. Mais moins qu'eux : les bravi, longtemps reconnus par l'Académie, se sont éteints au XIXe siècle, alors que les autres font encore de la résistance, du moins dans les milieux huppés !
Souvenons-nous aussi que bravo a dû, au sens de « manifestation d'approbation », triompher d'un autre rival qui, curieusement, et jusqu'au XVIe siècle, ne fut autre que... bravoure. Voilà sans doute pourquoi Ségolène Royal éprouva naguère le besoin, sur la Grande Muraille de Chine, de créer la « bravitude ». Là où des âmes malintentionnées ont voulu voir un barbarisme, n'y avait-il pas simple souci de ne point mélanger torchons et serviettes ?
Quand nos dictionnaires, enfin, ne le signaleraient plus guère, ce vocable évocateur d'excellence n'en a pas moins un côté obscur : il a aussi désigné des personnages peu recommandables, à savoir tueurs à gages, mercenaires et autres individus chargés des plus basses besognes ! Le prix à payer, là encore, à l'étymologie, le courage n'étant pas toujours mis au service des seules bonnes causes. Heureusement, ces bravi-là ont disparu, sinon de la circulation, du moins de nos habitudes langagières, et on ne peut... qu'y applaudir !