Un carnaval, ça va ; mais
des carnavals... ça va tout aussi bien !
Quand on saurait depuis toujours que la plupart des mots en -al font leur pluriel en -aux, il ne viendrait à l'idée de personne de courir « les carnavaux » ! Il est pourtant, en la matière, quelques cas plus épineux...
On ne les cherchera pas, a priori, du côté des noms aval, bal (baux est la chasse gardée de bail), cal, chacal (pas question de rompre en visière au shako !), emmental, gavial, narval, régal, rorqual. Nul besoin d'avoir appris par cœur cette liste (non exhaustive) d'exceptions pour répugner à faire rimer — à moins d'avoir un fameux... trou — « emmentaux » et mémentos ! Gageons que l'on n'aura pas plus d'états d'âme pour festival et récital, que l'on n'imagine guère se multiplier en « festivaux » et « récitaux »...
Plus glissant apparaîtra sans doute le terrain du corral, cet enclos où, en Amérique latine, se trouve parqué le gros bétail pour y être marqué. C'est que l'habitude d'entendre évoquer les coraux peut faire barrière et nous induire en erreur. À l'inverse, il n'est pas exclu que l'on voie quelquefois des vessies dans ces lanternes que sont, à bon droit pourtant, les fanaux !
Peu importe, en revanche, que l'on hésite sur idéal puisque, au pluriel, cohabitent visiblement idéaux et idéals : on a bien cherché à réserver le premier à la philosophie et aux mathématiques, mais sans trop de succès. Même œcuménisme pour étal : si la forme irrégulière l'emporte de plus en plus sur le classique étaux, c'est que celui-ci souffre d'être aussi le pluriel... d'étau !
Sur le front des adjectifs, là encore, les exceptions se reniflent à plein nez : qui oserait s'emporter, fût-ce au casino et sous l'effet de la déception, contre des bandits manchots « bancaux » ? parler encore aujourd'hui de coups « fataux », de pays « nataux » ou de combats « navaux » ? En outre, quand hésitation il y a pour l'oreille, c'est souvent que les deux formes sont recevables : pas le moindre froid entre glacials et glaciaux...
Il suffira de se méfier de banal, dont le pluriel dépend clairement du sens et du contexte. À banals tout ce qui ressortit à l'ordinaire, à l'autre tout ce qui appartenait jadis au ban du suzerain, à l'instar des four, pressoir et moulin banaux dont chacun, au centre du village, librement se servait... moyennant redevance !
On le voit : vraiment pas de quoi avoir le masque, même par les temps de mardi gras qui courent...