Dis-moi ton nom, je prédirai ton destin !
Quand Kennedy, en pleine guerre froide, déclarait qu'il était un Berlinois, force est de reconnaître que ça ne manquait pas d'allure. Quand Manuel Valls prétend, sur le plateau de TF1, que les membres de son gouvernement sont tous des Hollandais, pourquoi réprimons-nous un sourire ? Parce qu'à la loterie des patronymes, les hommes ne naissent pas égaux en droits.
Nous voulons principalement parler, s'entend, de ceux qui aspirent à nous gouverner et au panache desquels, par conviction ou par calcul, viendront se rallier nombre de fidèles à qui il faudra bien trouver un nom. On a suffisamment dit, à tort ou à raison, que nos anciens présidents de la République et Premiers ministres étaient précédés d'une aura qui ne rejaillissait pas peu sur leurs fonctions, à moins que ce ne fût l'inverse. De Gaulle avait pour lui la taille et l'histoire. Giscard et Chirac n'avaient déjà plus l'histoire, mais ils avaient encore la taille. Mitterrand n'avait ni l'une ni l'autre, mais pour s'être toute sa vie mesuré à la toise de l'homme du 18 Juin, il l'avait presque fait oublier, et son profil de médaille avait fait le reste. Pourquoi, de surcroît, nous refuserions-nous le plaisir de rappeler que la plupart de ceux-là maniaient avec élégance leur langue maternelle, et ce ne sont pas le lettré Pompidou ni le raffiné Raymond Barre qui viendront, de ce point de vue, jouer les contre-exemples !
Surtout, ces monstres sacrés ont eu l'insigne chance de trouver dans leur berceau un nom qui se pliât volontiers à l'adjonction de suffixes. Les plus vernis d'entre eux, le Général et Mitterrand, purent même s'offrir le luxe de jouer sur deux tableaux, -ien pour la vision et la pensée profonde, -iste pour les basses œuvres et la cuisine politicienne : c'est ainsi que les discours les plus inspirés étaient dits gaulliens, les membres du parti godillot gaullistes ! Les autres n'ont pas eu cette veine. Du moins giscardiens, chiraquiens, barristes, voire pompidoliens n'ont-ils jamais prêté à sourire.
Las ! depuis quelque temps, les choses se sont singulièrement compliquées quand il s'est agi de labourer le champ des partisans. Se revendiquer hollandais quand on a pour ambition déclarée de servir la France, voilà qui ne relève probablement pas de la haute trahison, mais qui, on l'a évoqué plus haut, fait quand même désordre. L'ironie du sort veut que le même genre d'ambiguïté handicape l'ancienne compagne du chef de l'État : comment s'avouer royaliste quand on est censé se dévouer corps et âme à la République ?
Gageons qu'avec l'arrivée du ministre de l'Intérieur à Matignon, on est résolument entré dans une zone de turbulences, Valls, quoi qu'on en pense, ne se prêtant guère aux étiquettes : vallsiens et vallsistes souffriront toujours de la concurrence, somme toute naturelle, de... vallseurs. Les chansonniers, n'en doutons pas, s'empareront de ce dernier en trois temps, deux mouvements, mais le vocable sera jugé peu seyant pour les hommes, et littéralement importable par les groupies du beau sexe ! Maigre consolation pour l'ancien maire d'Évry, son prédécesseur n'était pas plus que lui gâté par l'état civil : l'ayraultisme, c'est à craindre, n'est pas près de devenir un courant politique, si tant est que le bonhomme en ait jamais caressé le dessein. Quant à son rival qui surfe sur la vague du « made in France », il n'a pas la tâche plus facile : allez qualifier vos adeptes de Montebourgeois sans risquer la radiation du PS ! Non, décidément, on ne part pas avec les mêmes chances quand, en politique, il importe de lever des troupes et, plus encore, de leur donner un nom !