Une orthographe qui ne passe pas...
comme une lettre à la poste !
Que n'a-t-on écrit sur l'incapacité, quasi endémique, de nos dictionnaires à accorder leurs violons ? L'orthographe française, qu'on se le dise, n'existe pas : il y a une orthographe Larousse et une orthographe Robert ! Comme si ne suffisait pas déjà à notre malheur la pénible confusion qui règne actuellement entre orthographe traditionnelle et nouvelle orthographe...
Certes, notre passé de compétiteur nous avait, depuis belle lurette, mis la puce à l'oreille. Ou toute autre bébête, d'ailleurs : nous savions par exemple que le perce-oreille était un transsexuel en puissance, Larousse en faisant « une forficule », Robert « un forficule ». Alors que celui-ci vous déclare « ex æquo », celui-là vous dit « ex aequo ». Le double-rideau de Larousse a pour embrasse un trait d'union, rien de tel chez Robert. Quoi de commun, enfin, fors l'ivresse, entre le « blanc de blanc » de l'un et le « blanc de blancs » de l'autre ?
Mais, comme devait le constater le « Premier ministre de la France » Laurent Fabius au soir de la mémorable gamelle qu'il ramassa jadis face à Jacques Chirac, on apprend tous les jours. Quelle ne fut pas notre surprise, ce mercredi, alors que nous tentions désespérément de dénicher dans un monceau de paperasses ce qui permettrait à un quidam de nous rémunérer à notre juste valeur, de constater que ce bon vieux RIP — du moins quand il ne s'agit pas de celui qui orne nos pierres tombales — s'écrivait « relevé d'identité postal » chez Larousse, « relevé d'identité postale » chez Robert !
Grammaticalement parlant, il nous faut ici l'avouer, les deux versions sont des plus défendables. Un adjectif peut toujours s'accorder, soit avec le nom, soit avec son complément. En règle générale, c'est le sens et lui seul qui vous permet d'opter ici pour un « quart de finale indécis », là pour une « espèce de fou furieux ». Il faut croire qu'en la matière les avis de nos duettistes de la langue divergent. Pour le premier, c'est le relevé qui est postal, étant donné qu'il est établi et délivré par la Poste. Pour le second, c'est l'identité qui s'y colle, et tant pis pour ceux qui, naïvement, s'imaginaient que cette dernière, comme la République, était une et indivisible : rien ne nous empêche apparemment d'avoir une identité postale, une identité judiciaire, une identité fiscale, etc. Partant, nous reconnaîtra qui peut !
Le comble est que cette énième divergence a pour théâtre un mot comme identité, lequel procède, est-il vraiment besoin de le rappeler, du latin idem, « même »...
Inutile encore de préciser que ce flottement de nos lexicographes a trouvé à prospérer sur une Toile toujours prompte à faire d'une vaguelette une lame de fond : quelque vingt-cinq mille occurrences pour postale, près du double pour postal !
Et la principale intéressée, dans tout ça, qu'écrit-elle ? Ne vaut-il pas mieux, dans ce genre de situation, s'en remettre à elle, son cachet étant censé faire foi ? Vite, un coup d'œil sur le carnet de chèques, histoire de trancher définitivement... Las ! il y est écrit « relevé d'identité bancaire ». Si la Poste, il est vrai devenue Banque Postale, se résout elle-même à perdre son identité, où va-t-on ? Mais c'est égal, voilà du moins un problème orthographique résolu.
Il ne reste plus qu'à se garder d'écrire... banquaire !