À tous ceux que l'emballage
des cadeaux... n'emballe pas !
Comme s'il ne suffisait pas d'avoir à dénicher un cadeau original pour mamie Jeanne ou tonton Jules — qui ont tout depuis toujours et, partant, n'ont besoin de rien —, il faut encore, au sortir du magasin, le faire emballer.
C'est la cerise sur le gâteau, ou plutôt le bolduc sur le paquet. Alors que vous entrevoyiez le bout du tunnel, il vous reste, les lombaires au garde-à-vous, à patienter d'interminables minutes, le temps que des mains dévouées autant qu'expertes habillent de pimpantes couleurs la bande dessinée, le globe terrestre, la poubelle, le coffret de DVD, l'éphéméride, le dernier Higgins Clark, la piste de quatre-cent-vingt-et-un, le coupe-papier, la parure de stylos, le jeu de Cluedo, sur lesquels les frères et sœurs d'infortune qui vous précèdent dans la file — sept, à vue de nez — ont finalement jeté, faute de mieux, leur dévolu. Préparer sa pièce et se dire que c'est pour une bonne cause. Surtout ne pas penser que la demi-heure qu'au bout du compte on perdra dans l'aventure est vouée à la mise en place d'un papier qui, devant le sapin, ne résistera pas cinq secondes aux lacérations impatientes de l'heureux (?) destinataire.
Si vous ne voulez pas, alors, que la moutarde qui vous monte lentement mais sûrement au nez vous pousse à vous prendre pour le colonel du même nom, lequel, dans le vestibule du magasin et avec le ruban, étranglerait volontiers la Mademoiselle Rose qui, loin devant, vient d'exiger que l'on défasse le paquet laborieusement confectionné sous prétexte que le prix n'a pas été effacé, la seule perche secourable qui se tende à la ronde est celle de l'étymologie : à quelle balle doit-on ce supplice, ô combien chinois, de l'emballage ?
En fait, à celle qui, dès le XIIIe siècle, désigna un paquet de marchandises, généralement enveloppé de toile pour le transport, et que l'on retrouve, aujourd'hui encore, dans notre bal(l)uchon. Vous vous sentiriez presque ballot de n'y avoir point songé. Pas sûr, du reste, que de vous retrouver dans la peau d'un « enfant de la balle » (quand il ne s'agirait pas de l'hypothèse la plus communément partagée, d'aucuns se sont en effet réclamés de cette balle-là pour ancrer l'expression au petit monde des marchands itinérants de jadis) vous dédommage de votre poireautage !
Pour autant, résistez à la tentation de... vous emballer à votre tour. Prenez au contraire (en même temps qu'une profonde inspiration censée vous décontracter l'épiderme) le temps d'admirer combien notre langue est encline à cultiver la métaphore. Dans leur inimitable argot, nos policiers eurent tôt fait de transformer ce paquet en voiture, celle qui leur servait à emmener — emballer ! — le coupable qu'ils venaient d'arrêter. Plus sensibles à la connotation du transport, les maquignons s'empareront également du mot pour qualifier, à la forme pronominale, un cheval qui prend le mors aux dents. Jusqu'aux coureurs cyclistes des glorieux débuts du Tour de France qui y allèrent de leur interprétation personnelle : à l'image du moteur qui s'emballe, lui aussi, en prenant un rythme de marche trop rapide, ils baptisèrent emballage le moment crucial où ils avaient à fournir un effort maximal à l'approche de la ligne d'arrivée. Avouez que cela avait une tout autre allure que notre sprint !
Au demeurant... peau de balle ? Cette incursion dans l'histoire de notre langue ne vous a en rien rendu votre sérénité ? Consolez-vous, c'est enfin votre tour. Sous peu, vous n'aurez plus qu'à trimbal(l)er — autre étymologie, mais nous y reviendrons — le cadeau jusque chez vous. Après quoi, revanche délectable entre toutes, ce sera à l'heureux (?) destinataire de le... déballer, avec force remerciements attendris.
Voire de le remballer, dès le lendemain matin. En le revendant sur Internet.