Plutôt que des bougies,
soufflons donc des fautes !

< dimanche 13 juin 2010 >
Chronique

Alors l'archange — qui, dans notre rêve, ressemblait vaguement à Grevisse — dit : « Pour fêter vos quinze ans à La Voix du Nord, vous êtes invité à souffler... quinze fautes qui vous agacent tout particulièrement. » Sans trop y croire, nous nous exécutons.

Une. Le subjonctif derrière après que : « Après que nos footballeurs aient été défaits par la Chine, ils s'envolèrent pour l'Afrique du Sud. » Le passé antérieur (eurent été) ferait mieux l'affaire.

Deux. Souci accommodé à toutes les sauces : « Il n'empêche que cette défaite leur pose un souci. » Poser un problème, on comprenait. Mais poser un souci ?

Trois. La préposition sur employée jusqu'à plus soif : « Les Bleus ont choisi de s'entraîner sur Knysna. » « À Knysna » suffirait. Quand bien même on serait décidé, il va sans dire, à dominer la compétition.

Quatre. La confusion de près et prêt : « Au dire de certains, ils ne sont pas prêts d'aller en finale. » Si, ils sont prêts à y aller puisqu'ils ont déjà négocié les primes. Près de le faire, c'est moins sûr !

Cinq. Le sens attribué, à tort, à l'adjectif conséquent : « Il se susurre même que lesdites primes seraient conséquentes. » Ne reculons pas, vu le contexte, devant considérables.

Six. Le barbarisme pécunier : « En tout cas, voilà qui met les joueurs à l'abri d'éventuels embarras pécuniers. » C'est à pécuniaire qu'il convient de recourir, au masculin comme au féminin.

Sept. La substitution de être à savoir : « Roselyne Bachelot serait gré à Rama Yade de la mettre en veilleuse. » Saurait gré serait plus conforme à la conjugaison.

Huit. La construction fautive du verbe se rappeler : « Aussi bien, ne jouons pas les cassandres trop vite. Chacun se rappelle de 1998. » Non, chacun se rappelle 1998. Ou s'en souvient, le cas échéant.

Neuf. L'anglicisme finaliser : « D'ailleurs, l'entraîneur — qu'écrivons-nous là, le coach ! — a jusqu'au 11 juillet pour finaliser la préparation de l'équipe de France. » Disons plutôt : pour y mettre la dernière main, la fignoler, la parachever.

Dix. Débuter suivi d'un complément d'objet direct : « Thierry Henry ne devrait pas débuter les rencontres, il donnera seulement un coup de main en fin de match. » Commencer serait plus orthodoxe.

Onze et douze. La masculinisation d'espèce et l'usage inconsidéré de désintéressement : « Un espèce de désintéressement semble s'être emparé de la France entière. » Espèce reste féminin quoi qu'il arrive. Ne confondons pas désintérêt (mâcher du chewing-gum pendant les hymnes, par exemple) et désintéressement (faire honneur au maillot plutôt qu'au portefeuille).

Treize. La féminisation de soldes : « Pourvu qu'ils aillent loin ! Sinon, côté produits dérivés, il faut s'attendre à des soldes massives. » On se contenterait volontiers de massifs.

Quatorze. Sensé pour censé : « Lors du tirage au sort, le groupe de la France était sensé être le plus facile. » Outre qu'il faudrait aujourd'hui être... insensé pour le croire, mieux vaut là user de censé.

Quinze. Langage à l'anglaise : « Et si Raymond nous tenait enfin un language de vérité ? » Faire ça au titulaire de cette rubrique !

Le doute nous étreint soudain : avons-nous fait les bons choix ? Bah ! le principal était de ne pas parler football. C'est que le terrain est glissant, ces temps-ci...