Nord-Pas-de-Calais :
le trait d'union ne fait pas sa force !
« Pauvre Région que la nôtre, dont l'orthographe n'est pas même fixée ! », ironisait en substance, il y a quelque huit jours, un de nos lecteurs. En réalité, elle l'est bel et bien : dans une touchante unanimité, Larousse et Robert écrivent « Nord-Pas-de-Calais ». Avec trois traits d'union.
Le reste est mauvaise littérature, qui mérite pourtant d'être commentée. À notre époque où le « visuel » est roi, il n'est pas interdit en effet de trouver à ce nom composé à rallonge la légèreté d'un monstre de Jurassic Park ! De regretter en outre que soient mis sur le même plan trois traits d'union d'inégale importance : quand les deux derniers sont à l'échelle d'un seul département, le premier, lui, a la lourde tâche de souder les deux...
D'où l'idée d'instaurer une hiérarchie au sein de ces traits d'union par trop égalitaires. La mesure la plus radicale consiste, comme on le voit sur certaines pièces officielles, à ne laisser que le premier, pour faire ressortir nettement les deux entités : « Nord-Pas de Calais ». Au demeurant, ce ne serait pas la première fois que l'on sacrifierait l'orthographe à l'esthétique ! On sait par exemple que Yoplait n'a pas hésité — ça s'est fait en deux coups de cuillère à pot — à sucrer l'accent circonflexe de l'adjectif câlin quand il s'est agi de baptiser son fromage blanc. C'est que l'accent en question faisait diversion, dès lors que, dans les parages, on avait décidé de coiffer le « i » d'un cœur ! Pourquoi des politiques, à qui il arrive aussi, à l'occasion, de pédaler dans le yaourt, ne seraient-ils pas fondés à en faire autant ?
Tout simplement parce que le « pas de Calais » sans traits d'union, c'est autre chose. On ne parle plus là du département, mais du seul détroit. À quoi sert que la langue se décarcasse pour ménager d'utiles distinguos, si c'est pour faire fi de ses efforts ?
Un autre palliatif consiste à hiérarchiser les traits d'union, soit en faisant le premier plus grand — mais il devient alors un tiret, lequel a une tout autre vocation en français —, soit en le faisant précéder et suivre d'une espace — le mot est féminin quand il désigne le blanc placé entre les mots, inutile de nous écrire pour protester ! C'est là la façon de faire de votre quotidien favori. Nous la respectons... sans nous y conformer sous cette rubrique, ne serait-ce que parce qu'elle contrevient à nos références orthographiques comme aux normes typographiques : à notre connaissance, ces dernières n'envisagent jamais que le trait d'union soit entouré d'espaces, si louable que soit l'intention du scripteur !
Quelques francs-tireurs, enfin, substituent au premier trait d'union une barre oblique : « Nord/Pas-de-Calais ». Astucieux mais contre-productif, politiquement parlant : ladite barre est en français un signe de division, de séparation ou d’opposition !
Tout bien pesé, pourquoi ne pas s'en tenir à la graphie des dictionnaires ? La majuscule à Pas — lequel, à la différence de Calais, n'est pas un nom propre — n'indique-t-elle pas assez que commence là le second département ?
Plus d'un, n'en doutons pas, prendra prétexte de ce flou orthographique pour tirer un trait, un seul, sur cette dénomination contestée et suggérer que la Région fasse peau neuve. Et il faut reconnaître que tout serait plus simple pour des « Hauts de France » !
Mais... avec ou sans traits d'union ?