Un certificat d'orthographe ?
Parce que notre langue le vaut bien !
Arguer d'une bonne maîtrise de l'orthographe pour valoriser son CV aux yeux des employeurs ? La chose est désormais possible par le biais d'une certification. Mais, pour l'heure, la démarche ne semble pas faire que des heureux.
On ne s'attendait pas qu'elle en fît parmi ceux qui dénoncent depuis toujours la « dictature de l'orthographe ». Ceux-là, qui ne veulent voir dans l'intéressée qu'un outil élitiste et sournois de discrimination sociale, militeraient plutôt pour sa simplification ! Mais l'initiative aigrit aussi les inconditionnels de la gratuité, car ladite certification ne l'est pas, gratuite. Pas plus, soit dit en passant, que les TOEIC et TOEFL, lesquels, quand ils seraient plus onéreux, n'en sont pas moins, eux, entrés dans les mœurs. Serait-ce que l'on trouvât normal de débourser quelques dizaines d'euros afin de prouver sa connaissance d'une langue étrangère, quand le faire pour sa propre langue serait un crime contre nature ? De même, l'Éducation nationale cache sa joie. Peut-elle, c'est humain, voir d'un œil indifférent attribuer un diplôme qu'elle ne chapeaute pas ? Mais il n'est que trop vrai que sa dernière évaluation, à elle, date du brevet des collèges et qu'elle n'a plus grand-chose à voir avec les épreuves exigeantes de son lointain passé. Il n'est que trop vrai encore qu'à partir de la classe de seconde ladite orthographe, marginalisée aux examens, est laissée en friche. Faut-il dès lors s'étonner que, pour répondre aux inquiétudes grandissantes des employeurs, des initiatives privées se fassent jour ?
Il ne saurait être question que nous nous prononcions sur le fond d'une affaire où nous serions juge et partie. Nous en voudra-t-on, en revanche, si nous nous réjouissons ici de voir l'orthographe estimée à sa juste valeur sur un terrain où on ne l'attendait pas forcément : celui de la vie active ? Il suffit, pour s'en persuader, de tendre l'oreille aux doléances des professionnels. « Imaginerait-on une entreprise de restauration dont les collaborateurs porteraient des tenues sales ou négligées ? », nous prend à témoin Robert Bourvis, directeur général de l'agence de communication Publicis-Cachemire, avant de poursuivre : « Pour une entreprise de conseil, l'orthographe fait partie des "habits" de l'entreprise. » Et Max Penneroux, directeur général adjoint de la Société forestière de la Caisse des dépôts et consignations, de renchérir : « S’adresser à ses clients dans un français correct, sinon impeccable, est une marque de considération et de respect qui contribue à la qualité de la relation. » Même son de cloche au sein du Groupe Laurent, distributeur de pièces techniques et consommables pour véhicules : « Les erreurs d'orthographe multiples, affirme la directrice des ressources humaines Françoise Grassa, sont souvent perçues, lors du recrutement, comme le signe d'une nature brouillonne, parce qu'elles nuisent à la justesse du message, donc à sa crédibilité. » Et que dire de la maintenance d'installations complexes, où la sécurité dépend de la précision des consignes ? Dominique Dupont, président de l'Institut de formation pour ingénieurs et dirigeants, souligne que « des fautes d'orthographe peuvent entraîner une mauvaise interprétation, voire un contresens, ce qui est inacceptable dans le cadre d'une installation nucléaire, par exemple. » Quant à Christian Michaud, directeur général de la Worldwide Injection Solutions Enterprises, il n'y va pas par quatre chemins pour sensibiliser ses étudiants en informatique : « Comment voulez-vous être pris au sérieux et considérés comme rigoureux en programmation, s'emporte-t-il, si vous n’êtes pas capables de respecter la logique des règles de grammaire ? »
Quand l'urgence est telle, sied-il encore d'ergoter sur la couleur du thermomètre ?