À la fin du renvoi, je mouche !

< dimanche 5 juillet 2009 >
Chronique

Ça sonne comme du Cyrano, mais il n'est que trop vrai qu'ils en font, un nez, ceux qui viennent, sans douceur excessive, d'être débarqués du gouvernement ! Et d'aucuns de régler ouvertement leurs comptes, la passation des pouvoirs à peine effectuée...

Que la route du rhum soit désormais coupée pour lui, l'ex-secrétaire d'État chargé de l'outre-mer Yves Jégo en est resté baba. Il a clairement accusé les patrons békés de l'avoir... planté.

La rancœur de Christine Boutin n'est pas moins vive : à sa décharge, reconnaissons que se retrouver à la rue quand on a été ministre du Logement n'a rien d'enviable...

Cela dit, c'est contre toute attente l'ancien patron du XV de France, Bernard Laporte, qui se remet le plus difficilement de ce plaquage. Il est littéralement sorti de ses gonds et, libéré de toute obligation à la solidarité gouvernementale, a tiré à ovales rouges contre ses poteaux ! Un raffut d'anthologie, que les amateurs de rugby, à l'accent circonflexe près, auront apprécié en connaisseurs.

Et nous ne parlons pas de ceux qui, pour faire moins de bruit, n'en sont probablement pas moins amers. Quand elle serait depuis longtemps fixée sur son sort, pas sûr que Rachida Dati, qui s'est vue contrainte de ranger ses sceaux pour ne pas finir complètement sur le sable, soit ravie d'être délocalisée en Alsace. Ni que Christine Albanel trouve son éviction au profit de Frédéric Mitterrand moins illégale que le téléchargement qu'elle poursuivait de ses foudres. Mais que peut la Toile contre l'étoile ?

Quant à Claude Allègre, qui n'a pu mettre la dernière main à ce qui apparaissait pourtant comme la chronique d'un retour annoncé, il ne lui reste plus qu'à espérer un réchauffement de ses relations avec le président. Mais comme il n'a jamais cru aux réchauffements, d'où qu'ils viennent...

Le chroniqueur de langue se doit cependant de laisser là ces infortunés pour se pencher sur les nombreux et parfois pittoresques synonymes dont notre lexique a su se doter pour évoquer le renvoi. Preuve, à n'en pas douter, de la profondeur du traumatisme que cela crée chez le blackboulé !

La pilule étant dure à avaler, on ne s'étonnera guère que les euphémismes abondent. Remercier en est évidemment le plus bel exemple mais, dans leur genre, congédier (accorder un congé) et licencier ne sont pas mal non plus. L'étymologie nous rappelle en effet que la licence, du latin licentia, désigne la liberté de faire ce que bon nous semble ! Aux antipodes de ces formules lénifiantes (et un brin faux cul), le beaucoup plus expéditif virer, sur l'origine duquel on se perd en conjectures. Attraction de vider ? Ou métaphore maritime indiquant un changement de cap ?

Entre ces deux extrêmes, on notera le toujours vivace mettre à pied, qui date de l'époque où le chevalier qui avait failli était privé de sa monture et se voyait imposer des tâches subalternes ; l'énigmatique révoquer, qui signifierait plutôt, au sens premier, « rappeler, faire revenir » (mais il faut sans doute comprendre que ce qu'on rappelle, ce sont les responsabilités que l'on avait confiées à celui qui est tombé en disgrâce) ; sans oublier limoger, que l'on doit à ces officiers d'état-major que Joffre avait assignés à résidence, pour cause d'incapacité, dans la capitale du Limousin. L'Hazebrouckois que nous nous flattons d'être lui doit une fière chandelle : s'il n'avait pas existé lors de l'affaire Ceccaldi, il est à craindre qu'hazebroucker eût connu les honneurs du dictionnaire !