L'exemple ne vient plus d'en haut...

< dimanche 29 mars 2009 >
Chronique

Mauvaise passe pour Nicolas Sarkozy qui, ces jours-ci, ne se voit plus seulement attaquer sur le fond de sa politique, mais aussi sur sa forme. Nombreux sont en effet les journalistes qui s'émeuvent de l'entendre parler un français de plus en plus approximatif, pour ne pas dire pis...

En ouvrant ses colonnes, il y a trois semaines, à la philologue Barbara Cassin, Le Monde a, le premier, sonné la charge. Sous le titre Sarkozy m'à tuer (sic), on s'y étonnait du nombre de fautes relevées sur le site de l'Élysée. Fautes qui ne sauraient, bien sûr, être directement imputées au chef de l'État, mais qui traduiraient une « inquiétante désinvolture à l'égard de la culture ».

Plus perfide encore se montre Le Parisien du 22 mars, qui, après avoir égrené les dérapages syntaxiques du président, rappelle que ce dernier avait fait de la maîtrise de la langue la « priorité absolue » dans les écoles. « Si y en a que ça les démange d'augmenter les impôts », « on se demande c'est à quoi ça leur a servi ? », « on commence par les infirmières parce qu'ils sont les plus nombreux », autant de tours propres, il est vrai, à faire frémir une Académie dont Nicolas Sarkozy est officiellement le protecteur...

Et que dire de la presse étrangère, laquelle n'est pas, on s'en doute, la dernière à manier le persiflage ? On se demandait ainsi, sur un blog de La Libre Belgique mardi dernier, ce qu'en peut penser le chauffeur de taxi parisien qui devra désormais, pour décrocher sa licence, satisfaire à une dictée : il importe, paraît-il, que « les usagers soient servis par des conducteurs ayant une connaissance usuelle de la langue du pays ». Tandis que pour piloter le char de l'État...

La fronde est inhabituelle sur ce terrain, tout aussi glissant pour la presse. Pour peu qu'elle ne doive rien aux arrière-pensées politiques — ce qui reste à démontrer —, il s'en faut pourtant qu'elle soit illégitime. Souffrirait-on que le premier des Français abandonnât l'hymne national aux sifflets ? qu'il laissât fouler aux pieds le drapeau ? La langue, autant et depuis plus longtemps qu'eux, est un symbole de la nation. La bafouer ne relève-t-il pas de la faute professionnelle ?

Pour plus d'un, tout cela ressortirait au calcul politique : Nicolas Sarkozy s'exprimerait comme l'homme de la rue afin de créer avec lui une connivence. Mais outre que l'intéressé, toutes Rolex et Ray-Ban dehors, ne nous a jamais semblé exagérément soucieux de singer l'homme de la rue, on troquerait alors la Charybde de l'ignorance contre la Scylla du machiavélisme : cela reviendrait, des plus cyniquement, à mettre la langue au service d'une ambition personnelle, ce que, dans notre indécrottable naïveté, nous nous refusons à croire. D'autant qu'il existe une autre explication qui, pour être moins retorse, n'en est pas moins consternante : la baisse de niveau — et d'intérêt pour la langue — que nous ne cessons de déplorer ici a fini par gagner notre élite politique. Car Nicolas Sarkozy — qui vient d'évoquer « la France qui ne proteste pas alors qu'elle est soumis (sic) à des pressions considérables » — n'est pas le seul à afficher son mépris pour l'accord du participe. Il suffit de réécouter le débat télévisé d'entre les deux tours pour constater que solécismes et barbarismes volaient bas dans les deux camps : point besoin d'un institut de sondage pour établir que, sous cet angle, ce fut un match nul ! Et l'on se surprend à regretter le temps, pas si lointain au fond, où ceux qui briguaient l'honneur de devenir la voix de la France prenaient d'abord soin de ne pas piétiner sa langue.