La défense du français :
un vœu de plus en plus pieux !
Nous aurions aimé, tant la période s'y prête, former aujourd'hui des vœux pour la survie de notre langue. Las ! il semble bien qu'en la matière tous les indicateurs soient au rouge...
Dernier exploit en date : la tenue à l'Élysée, le 12 décembre, d'états généraux de la presse... en anglais. Au dire d'un Point que l'on devinait d'exclamation, sur les quelque trente éditeurs de quotidiens et de magazines français qui entouraient ce jour-là un conseiller du chef de l'État, deux n'étaient pas francophones. À ce degré, ce n'est plus de la politesse, c'est de la rage !
Le locataire des lieux avait pourtant prononcé de fortes paroles, à Caen, en pleine campagne électorale il est vrai : « La France, avait-il rappelé, des trémolos dans la voix, c'est une langue, une langue qu'elle met à la disposition de tous les hommes. (...) Le français c'est l'âme de la France, c'est son esprit, c'est sa culture, c'est sa pensée, c'est sa liberté. (...) L'obsession d'une langue unique au prétexte de l'efficacité est un leurre qui masque les effets de domination de la pensée unique dont la langue unique est l'antichambre. » Applaudissons le nègre, nous n'aurions pas fait mieux.
Affirmer que nous avons cru à ces effets de tribune serait mentir. Chat hier échaudé par Jospin, par Allègre, par Alain Richard, craint fatalement l'eau froide, fût-elle remuée par qui se dit originaire de l'autre bord. Mais, naïf invétéré, nous nous étions surpris à rêver : peut-être, mû par l'obscure nécessité de tuer le père, ce président-là serait-il tenté de surpasser le prédécesseur abhorré qui, un jour où la grâce l'avait frappé, était sorti avec fracas d'un amphithéâtre européen pour ne plus entendre le patron des patrons français pérorer dans la langue de Shakespeare...
Jamais la roche Tarpéienne ne se sera révélée aussi proche du Capitole : il suffit de voir de qui s'est entouré Nicolas Sarkozy depuis lors pour douter de l'intérêt qu'il porte vraiment à la cause francophone. Car s'il est vrai que l'on vous reconnaît à ceux que vous hantez, les motifs d'inquiétude sont légion.
Ministre de l'Économie et des Finances : Christine Lagarde. « Christine The Guard » pour les intimes de Bercy, à force de communiquer avec ses services en langue anglaise.
Ministre de l'Éducation nationale : Xavier Darcos. Ambition avouée, faire de la France une « nation bilingue ». On vous laisse deviner quelle est l'heureuse deuxième langue élue.
Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche : Valérie Pécresse, nommée « Carpette anglaise 2008 » pour avoir déclaré que le français était une langue en déclin et qu'il fallait briser le tabou de l'anglais dans les universités françaises, en rendant obligatoire l'enseignement intensif de cette langue au détriment de toutes les autres. Bonjour le plurilinguisme, pourtant érigé en dogme à Caen !
Que dire, enfin, de l'excellent ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, lequel a écrit sans rire que l'anglais était l'avenir de la francophonie ? « Après tout, renchérit-il, même riche d'incomparables potentiels, la langue française n'est pas indispensable. » Mais l'est-il toujours lui-même, surtout quand un journal israélien lui fait dire que l'État hébreu « mangerait » l'Iran si celui-ci se dotait de l'arme nucléaire ? Quand par snobisme on renie sa propre langue — longtemps considérée pour sa clarté comme celle de la diplomatie —, on s'expose, c'est sûr, à prononcer to hit (frapper) comme to eat... Avant que celui-là ne nous vaille une guerre par ses à-peu-près linguistiques, bonne année !