De la môme Piaf
aux momeries de la campagne...

< dimanche 4 mars 2007 >
Chronique

Il est un terme qu'en période électorale il y aurait avantage à redécouvrir : celui de momerie. Le bougre, en effet, a méchamment vieilli. Il n'est plus guère employé et quand il l'est, c'est souvent au sens erroné d'« enfantillage ». Une confusion que ne contribuera pas à dissiper le regain de popularité d'une môme Piaf qui surfe actuellement sur les toiles ! Les deux mots — l'accent circonflexe est là pour en témoigner mais qui s'arrête encore à un malheureux accent de nos jours ? — peuvent pourtant se réclamer de parcours bien distincts. Le premier cité est de loin le plus ancien puisqu'il serait né au XVe siècle. Rien d'étonnant à ce qu'il se soit alors appliqué à une mascarade : la tradition le rattache au verbe momer, lequel signifiait, en ancien français, « se déguiser ». Peu à peu, cependant, le sens figuré de « simagrée » allait prendre le pas sur le propre : moins de deux siècles plus tard, on avait fait de cette momerie un synonyme de bigoterie. C'est que le masque, les tartufes en savent quelque chose, ne s'embarrasse pas toujours de carton ! Arguant de cette spécialisation quasi religieuse, quelques francs-tireurs de l'étymologie ont même supposé que ladite momerie descendait en réalité de mahommerie, autre mot d'ancien français visiblement inspiré d'un certain Mahomet qu'il ne fait pas bon caricaturer par ces temps qui plaident, et censé fustiger une pratique cultuelle forcément ridicule, puisqu'elle ne se conformait pas aux canons chrétiens ! Autrement récent est le môme, qui n'est apparu qu'au XIXe siècle pour désigner, dans un registre nettement plus populaire, un enfant. Il n'empêche que son dérivé mômerie, quand il aurait été longtemps tenu à l'écart des dictionnaires, a eu tôt fait d'éclipser son homonyme. On se consolera en caressant l'hypothèse que, pour être ennemis, ces deux-là n'en sont peut-être pas moins frères. Il n'est pas impossible, en effet, que le radical mom qu'ils ont en commun soit, à l'origine, la traduction onomatopéique de sons réputés peu audibles : rien moins qu'articulés chez le nourrisson, sourds et déformés quand on parle derrière un masque. Voilà qui éclairerait d'un jour nouveau cette rencontre, que l'on imaginait fortuite, entre la môme Piaf et les inévitables momeries de nos présidents en herbe ! Après tout, leur manège à eux, n'est-ce pas l'Élysée ? Et l'essentiel n'est-il pas que chacun de nous puisse fredonner, au matin du 7 mai : « Non, je ne regrette rien... » ?