Pourquoi l'interdiction de fumer
dans les lieux publics va faire un tabac...

< dimanche 4 février 2007 >
Chronique

Tout simplement — et voilà qui, à n'en pas douter, réconfortera les amateurs de sèches, qui l'auraient plutôt sec ces jours-ci — parce que le tabac qui relève l'expression, ô combien prisée, de notre titre n'a pas grand-chose à voir, l'étymologie est formelle sur ce point, avec celui que l'on vient de chasser manu militari des lieux publics... Ce tabac-là, en effet, qui ne serait apparu que vers 1800, soit plus de deux siècles après l'autre, devrait beaucoup au verbe tabasser. Révérence parler, il s'agissait moins, avec lui, de bourrer son brûle-gueule... que la gueule du voisin ! Il aurait d'ailleurs dû, en toute logique, s'écrire tabas, s'il ne s'était laissé sournoisement intoxiquer (déjà !) par son envahissant homonyme. On ne surprendra personne en précisant que c'est évidemment ce tabac-là, et non celui que l'on introduisit en France sous le règne de François II, qui est censé « se passer », pour peu que l'on en croie les mauvaises langues, dans les arrière-salles des commissariats. Quoique, remarquait le regretté Claude Gagnière dans Merveilles et secrets de la langue française, les ponts ne soient pas, en l'occurrence, totalement coupés entre les deux versions : ledit passage à tabac ne consiste-t-il pas notamment à donner des coups sur le nez, à l'instar de ces prises... que l'on enfonçait, tout bien pesé, dans les mêmes orifices ? C'est encore lui que nous retrouvons dans le « coup de tabac » tellement redouté des marins, cet orage aussi soudain que violent qui venait, sans ménagement aucun, « cogner » le navire. C'est toujours lui qui occupe le devant de la scène, nous le signalions d'entrée de jeu, dans l'expression « faire un tabac », bien connue de l'argot des théâtres. Quand bien même le tabassage, dans ce cas précis, irait moins de soi ! Tout porte à croire, cela dit, que c'est là une allusion aux coups bruyants que l'acteur déclenche dès qu'on l'applaudit à tout rompre. On le voit, rien ne s'oppose, décidément, à ce que cette mesure, jugée impopulaire entre toutes et longtemps différée par nos politiques, connaisse au bout du compte un franc succès. À ce qu'elle constitue peut-être même, pour ceux qui n'auront pas craint de la porter sur les fonts baptismaux, un véritable bâton de maréchal. L'histoire de la langue, là encore, aurait pu le laisser prévoir : avant de prendre le nom de tabac, l'herbe à Nicot ne s'est-elle pas appelée... pétun ?