Raymond Domenech,
ou la communication à pleins tubes
« Si on n'est pas capables de faire récupérer nos internationaux et de les préparer, c'est qu'on est des peintres », a récemment confié le sélectionneur des Bleus à la presse. Signe d'agacement envers une corporation au langage de laquelle on n'emprunte que trop souvent pour critiquer méchamment ses ouailles ? Non. Certes, vous entendre répéter jusqu'à plus soif que votre équipe est au bout du rouleau, voire qu'elle est constituée, pour l'essentiel, de vieux tableaux, n'est pas de nature à vous bien disposer. Comme peut lasser le fait que certains joueurs, par vous évincés de la liste des vingt-trois, s'avouent incapables de vous encadrer ou même de vous voir en peinture. Mais Raymond Domenech ne ferait là, renseignements pris, que puiser dans l'argot du football. S'y fait en effet traiter de « peintre » celui qui s'emmêle les pinceaux dans ses dribbles ; ou encore le défenseur qui commet fréquemment ces bévues que les connaisseurs nomment « toiles ». Il n'empêche. Le moment était-il bien choisi pour inscrire officiellement les peintres sur le grand registre des professions sinistrées du langage ? Y figuraient déjà les lampistes, hier simples marchands de lampes, aujourd'hui subalternes trop souvent appelés à jouer les fusibles ; boutiquiers et épiciers, dont les idées, à en croire les dictionnaires les plus cotés, ne se hausseraient pas « au-dessus de leur commerce » ; les bouchers, qui, avant que le politiquement correct ne les rebaptise « préparateurs en produits carnés », s'élevaient régulièrement contre l'usage immodéré du mot boucherie dès lors qu'il s'agit de décrire un massacre ; sans omettre bureaucrates et fonctionnaires, que l'on a tôt fait, dans le sillage de Courteline, de transformer en ronds-de-cuir... Et voilà que notre entraîneur national, pourtant réputé bon communicant, en remet, si l'on ose dire, une couche ! Il n'ira pas se plaindre si ses déclarations lénifiantes sur les chances de l'équipe de France au Mondial se voient prochainement taxer, par des peintres revanchards, d'optimisme... de façade !