Le grand classement des tics de langage 2004
Improbable... mais vrai !
L'heure est aux rétrospectives, aux bêtisiers et aux palmarès de tout poil. C'est le moment ou jamais, en nous réclamant de critères scientifiques inattaquables (la présente enquête d'opinion a été réalisée à partir d'un échantillon d'une personne ô combien représentative de la population : nous-même), de révéler quelle fut, pour les presses écrite, parlée et télévisée, l'expression « tendance » de l'an 2004. Beaucoup écarquilleront les yeux — sauf notre excellent confrère Geoffroy Deffrennes, que nous ne remercierons jamais assez d'avoir ouvert les nôtres — en s'entendant préciser qu'il s'agit sans doute de l'adjectif... improbable. Non pas, évidemment, dans son sens habituel, ce qui n'aurait que peu d'intérêt ; mais dans tous les autres ou presque. On ne compte plus, pour peu que l'on y prête attention, les « banlieues improbables » (glauques ?), les paniers de basket au « filet improbable » (virtuel ?) ou même, au football, les « tirs improbables » (sans conviction, voire mal ajustés ?). Mais le qualificatif se marie avantageusement à tout : au vêtement comme à l'atmosphère, à la physionomie comme à l'élocution, à la démarche comme au temps qu'il fait. L'ennui, c'est qu'en proliférant l'effet de style est devenu cliché, pour ne pas dire tic, et qu'il commence à faire furieusement toc...
Autre monument de l'année qui vient de s'écouler, le très couru « mode opératoire ». L'avez-vous remarqué ? Quand les terroristes et les tueurs en série d'hier se contentaient d'une bête « façon de procéder », ils observent aujourd'hui, car on n'arrête pas le progrès, un « mode opératoire ». Parce que cela fait plus riche, plus professionnel et plus sérieux (la technologie n'a-t-elle pas de même pris le pas sur la technique, la méthodologie sur la méthode ?), ce mode est devenu une mode. Qui ne se souvient de ces spécialistes qui se sont succédé aux micros pour nous expliquer doctement, lors des attentats de Madrid, que le « mode opératoire » évoquait, à n'en pas douter, celui de l'ETA ? Avec le succès que l'on sait...
Un petit dernier pour la route, en forme de clin d'œil à nos amis sportifs : le « match(-)référence ». Toute équipe, quels que soient la forme et le poids du ballon, se doit désormais d'en avoir un. C'est-à-dire une rencontre réussie et totalement maîtrisée, qui prouve que l'on peut bien faire. Aux dernières nouvelles, le PSG et l'OM courraient toujours...