Hugo à la rescousse de la langue française
Les rayons... et les ombres !
Joli symbole pour tous ceux qui ne dédaignent pas (encore) de faire la causette dans leur langue maternelle : c'est au panache poivre et sel de Victor Hugo que se rallie l'opération Le français comme on l'aime, organisée du 17 au 24 mars sous l'égide du ministère de la Culture. Les dix mots qui, traditionnellement, lui servent de support ont en effet été prélevés cette année — bicentenaire oblige — sur le vocabulaire de prédilection du grand homme. Quand d'aucuns persifleraient en remarquant que pareil parrainage s'imposait, les francophones faisant de plus en plus figure de misérables dans les institutions européennes et onusiennes, force est de reconnaître que notre langue a rarement été à pareille fête. Le ministre de l'Éducation nationale, Jack Lang, ne vient-il pas de faire de l'apprentissage de celle-ci la « priorité des priorités » à l'école élémentaire ? Certes, Claude Duneton a beau jeu, dans les colonnes de notre confrère Le Journal du dimanche, de souligner que ce n'est pas trop tôt : « Qu'il faille une instruction particulière à ce sujet, remarque l'auteur de La Puce à l'oreille, montre à quel degré d'effondrement est parvenue la formation des jeunes maîtres dopés au charabia par les mortifères sciences de l'éducation... » Pour autant, ne boudons pas notre plaisir ! À quelques jours du printemps, dorons-nous à ces rayons inespérés en faisant mine de ne pas voir — Hugo, encore — les ombres qui s'accumulent à l'horizon. Priorité des priorités, nous dit-on. Mais la formule est-elle vraiment compatible avec l'apprentissage parallèle d'une langue étrangère dès la maternelle à partir de 2005 ? Ne risque-t-on pas une fois de plus, en voulant trop embrasser et surtout trop tôt, de mal étreindre ? Quant à la Délégation générale à la langue française, à qui revient la lourde tâche d'orchestrer la semaine susdite, elle a été récemment rebaptisée DGLF...LF, entendez par là que son action s'étend désormais à toutes les langues de France. Quelque respect que nous ayons pour ces dernières, était-il bien raisonnable de charger la mule au moment où le français, attaqué de toutes parts, joue sa survie ? À moins, bien sûr, que nos élites ne se soient déjà résignées à mettre sur sa tombe — Hugo, toujours — un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur...