L'ultime (et inutile) supplique du franc
Ne me kit pas !
Ne serait-on pas allé un peu vite en besogne en voulant voir, dans l'indéniable succès remporté il y a quelque trois semaines par la vente des premiers euros, un réel engouement pour la monnaie unique ? À y bien réfléchir, une opération confiée à des buralistes pouvait-elle déboucher sur autre chose qu'un tabac ? Les plus pessimistes — ceux-là mêmes qui déplorent que les Français ne semblent pas aux pièces pour faire leur la nouvelle devise — auraient pu deviner que, comparée à certaines saynètes télévisuelles dites « de sensibilisation », la présente initiative passerait pour un parangon d'originalité. Sans compter que le choix de la date, proche de Noël, s'est révélé judicieux : une aubaine pour tous ces couples voués à s'enguirlander parce que, depuis longtemps, ils ne trouvent plus rien à accrocher au sapin... Il n'est pas jusqu'au terme retenu — le fameux kit — qui n'ait joué son rôle dans cette frénésie d'achat. Un bête sachet, pour être plus conforme à ce souci d'émancipation que nous paraissait, à l'origine, et probablement à tort, incarner la monnaie européenne, eût-il fait preuve d'une égale efficacité ? Il est permis d'en douter. L'avantage de ce kit, en ces temps troublés où personne ne sait plus de quoi demain sera fait, c'est qu'il ne veut pas dire grand-chose. Nos dictionnaires ne faisaient état, jusqu'ici, que d'un « ensemble d'éléments vendus avec un plan de montage et que l'on peut assembler soi-même ». Le flambant neuf Grand Robert peut bien se gargariser de sa modernité, il ne propose lui-même que cette acception, assortie de l'équivalent prêt-à-monter, astucieux certes mais longuet... et générateur d'angoisses au pluriel ! Or, qui ne verrait que ce sens-là ne pouvait convenir à nos premiers euros ? À quel montage, autre que financier, pourraient-ils bien se prêter ? La lumière est finalement venue du tout dernier Petit Robert (quand bien même, au mépris de toutes les lois biologiques, celui-là aurait vu le jour avant son grand frère), sous la forme d'un « coffret réunissant tout ce qui est nécessaire pour réaliser une activité, subvenir à un besoin ». En l'espèce, il vaudrait mieux que ce dernier fût modeste ! Mais puisque telle est la mode, nous vous adressons, cher lecteur, et sans notice aucune, notre kit de vœux : santé, amour, prospérité, et lectures enrichissantes !