Une télévision en quête de hauteur
Ce loft, c'est vraiment un comble !
Convenons-en d'emblée : en consacrant, après tant d'autres, notre chronique à l'inévitable Loft story, nous ne travaillons pas franchement à nous forger une réputation d'originalité ! Au beau milieu de ce concert d'anathèmes et de louanges, d'autosatisfaction et d'imprécations, y a-t-il d'ailleurs encore place pour une note quelconque ? Il nous a semblé que oui, pourvu que, conformément à notre statut, elle fût d'étymologie. Seule cette dernière, en effet, nous paraît en mesure de remettre les choses à leur vraie place et de répondre, accessoirement, aux questions qu'aujourd'hui chacun se pose. Pourquoi, tout d'abord, ce pavé dans la mare de la « télé poubelle » a-t-il été jeté par M6, de son propre aveu « la petite chaîne qui monte » ? Tout simplement parce que le mot loft, qui a pour proches parents l'anglais lift, « ascenseur », et l'allemand Luft, « air », désigne stricto sensu une pièce située à l'étage supérieur, voire la partie d'un bâtiment placée sous le toit. Quand nos dictionnaires n'y feraient plus guère allusion et se borneraient à évoquer un « studio d'artiste aménagé dans un ancien local professionnel (entrepôt, atelier, usine) », à l'image de ceux qui, dans le quartier new-yorkais de Soho, en lancèrent la mode il y a quelque vingt ans, ledit loft est bel et bien, à l'origine et dans la langue de Shakespeare, un grenier, une soupente. Voilà qui remplira d'aise ceux qui, depuis le début, et sans croire si bien dire, vont claironnant que cette émission est un comble... mais qui, paradoxalement, décevra ceux — les mêmes, c'est à craindre — qui prétendent qu'avec ce dernier avatar de la real TV, nous touchons définitivement le fond ! Autre question, tout aussi cruciale que la précédente : pourquoi fait-on autant de foin autour de cette programmation ? Ne cherchez plus : si l'on en croit le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, ce même terme de loft s'est appliqué au XVIe siècle, toujours chez nos voisins britanniques, au... fenil ! Une preuve de plus, s'il en était encore besoin, que nos chasseurs d'Audimat mangent à tous les râteliers. Qu'ils prennent garde, cela dit : compte tenu des doses d'ennui que distille l'émission, ce sont les téléspectateurs qui risquent, avant qu'il soit longtemps, d'en avoir plein les bottes...